Droit administratif | Atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (Oui) | Atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale (Non) | Déchéance | Nationalité | Terrorisme
Conseil d’Etat, 10 février 2023, M. C. c/ Ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Req. n° 458130
En premier lieu, aux termes de l'article 25 du code civil : "L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : / 1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme (...)". L'article 25-1 de ce code ne permet la déchéance de la nationalité dans ce cas qu'à la condition que les faits aient été commis moins de quinze ans auparavant et qu'ils aient été commis soit avant l'acquisition de la nationalité française, soit dans un délai de quinze ans à compter de cette acquisition.
L'article 421-2-1 du code pénal qualifie d'acte de terrorisme "le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme" mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 du code pénal.
En deuxième lieu, aux termes de l'article 61 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : "Lorsque le Gouvernement décide de faire application des articles 25 et 25-1 du code civil, il notifie les motifs de droit et de fait justifiant la déchéance de la nationalité française, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). L'intéressé dispose d'un délai d'un mois à dater de la notification ou de la publication de l'avis au Journal officiel pour faire parvenir au ministre chargé des naturalisations ses observations en défense. A l'expiration de ce délai, le Gouvernement peut déclarer, par décret motivé pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, que l'intéressé est déchu de la nationalité française".
En l’espèce, le justiciable, qui a acquis la nationalité française en 2003, a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de PARIS du 26 juin 2018 à une peine de trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme courant 2014 jusqu'au 16 avril 2015, le décret attaqué énonce que les conditions légales permettant de prononcer la déchéance de la nationalité française doivent être regardées comme réunies, sans qu'aucun élément relatif à la situation personnelle du requérant et aux circonstances de l'espèce justifie qu'il y soit fait obstacle. Dans ces conditions, le décret attaqué satisfait à l'exigence de motivation posée par l'article 61 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993.
De plus, il appert que le justiciable a été condamné à la peine mentionnée ci-dessus pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. Il ressort des constatations de fait auxquelles a procédé le juge pénal que le justiciable a assisté ses fils lors de leur départ en zone syro-irakienne pour rejoindre les rangs de l'organisation terroriste "Etat Islamique", qu'il leur a apporté un soutien logistique et financier pendant leur engagement sur place et a facilité le départ de FRANCE de deux jeunes femmes afin qu'elles rejoignent ses fils.
Eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par le requérant qui ont conduit à sa condamnation pénale, la sanction de déchéance de la nationalité française, qui a notamment pour effet de priver l'intéressé de ses droits civils et politiques en France, est légalement justifiée sans que le comportement de l'intéressé postérieur à ces faits ne permette de remettre en cause cette appréciation.
En troisième lieu, un décret portant déchéance de la nationalité française est par lui-même dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise, comme sur ses liens avec les membres de sa famille, et n'affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale. En revanche, un tel décret affecte un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée.
En l’espèce, eu égard à la gravité des faits commis par le requérant et à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le décret attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Avocat Droit Administratif
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