Fonction publique | Autorité de la chose jugée | Conflit d’intérêts | Constatation pénale des faits | Droits de la défense | Droit à être mis à même de recevoir communication de pièce | Enquête administrative | Faute matériellement établie | Impartialité (Non) | Juge pénal | Mise à la retraite d’office | Proportion de la gravité de la faute à la sanction | Qualification exacte de la faute | Rapport de la Cour des Comptes | Relaxe | Sanction | Modalités de communication de pièces | Procès-verbaux d’audition | Protection des témoins
Conseil d'Etat, 18 novembre 2022, M. B. c/ Ministre de l'Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, Req. n° 457565
Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public ou porte sur des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d'un tel agent, l'intéressé doit, en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d'obtenir communication du rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.
Si la méconnaissance du principe d'impartialité par un organe d'inspection ou de contrôle, à un stade antérieur à la procédure disciplinaire, est susceptible d'avoir une incidence sur l'établissement des faits et sur leur qualification par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, elle ne saurait suffire, par elle-même, à établir l'inexactitude matérielle des faits qui fondent la sanction ou à caractériser une erreur d'appréciation ou une erreur de droit entachant cette décision. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier et, dans l'affirmative, s'ils présentent un caractère fautif de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
En principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.
En l’espèce, il résulte de l’arrêt du Conseil d’Etat que le fonctionnaire sanctionné, titulaire du grade d’inspecteur général de la jeunesse et des sports de 1ère classe, occupant les fonctions de directeur général de l'Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance (INSEP) a élaboré un projet de "formation professionnelle continue in situ et accélérée" à destination des responsables de départements et services de l'INSEP consistant à leur permettre d'assister aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, au Brésil, en août 2016. Sans attendre la réponse du Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et du Secrétaire d'Etat aux Sports à son courrier du 12 octobre 2015 sollicitant leur approbation pour ce projet, le fonctionnaire sanctionné a effectué, dès le 22 octobre 2015, des réservations définitives d'hébergements auprès du Comité national olympique et sportif français. Alors que, par courrier du 15 janvier 2016 des directeurs de cabinet du ministre et du secrétaire d'Etat, il a été donné un avis défavorable à ce projet, l'INSEP a envoyé aux Jeux olympiques de Rio une délégation de vingt-quatre personnes, dont neuf extérieures à l'INSEP et membres de la famille ou proches du fonctionnaire sanctionné. Si ces neuf personnes se sont acquittées d'une participation aux frais de déplacement, leurs frais d'hébergement, de billetterie et de restauration correspondant à une présence cumulée de quatre-vingt-quatre jours à Rio ont été pris en charge par l'INSEP à hauteur de 34 813 euros. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le fonctionnaire sanctionné aurait informé les autorités de tutelle des suites apportées à leur avis défavorable. Ainsi, la circonstance que ces faits, qui sont établis par les autres pièces du dossier, en particulier par un rapport de la Cour des comptes, ont été constatés dans le rapport de l'inspection générale de la jeunesse et des sports dont l'un des auteurs se trouvait en situation de conflit d'intérêts est, par elle-même, sans incidence sur leur matérialité. Dès lors, en retenant que le fonctionnaire sanctionné avait décidé de faire bénéficier neuf proches et membres de sa famille d'avantages indus au détriment de l'établissement qu'il dirigeait, et qu'il avait agi à l'insu de l'autorité de tutelle et de manière contraire aux instructions finalement reçues de cette autorité, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts.
L’autorité investie du pouvoir disciplinaire, en l’occurrence le Président de la République, n’a pas inexactement qualifié en estimant qu'ils étaient constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire sachant que la sanction infligée de mise à la retraite d'office n’était pas disproportionnée.
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