Cour administrative d’appel de LYON, 15 janvier 2024, M. A. c/ CHU de DIJON, Req. n° 22LY02452
Fonction publique | Comportement général de l’agent | Désorganisation du service | Fonctionnement du service | Inaptitude relationnelle | Insuffisance professionnelle | Licenciement | Manière de servir | Propos agressifs ou inappropriés
Considérant ce qui suit :
M. A... était ouvrier principal de 2ème classe au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon. Par décision du 3 mars 2021, il a été licencié pour insuffisance professionnelle. Par le jugement attaqué du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de licenciement.
En premier lieu, la directrice du CHU de Dijon a exposé les motifs de droit et de fait de sa décision, qui est dès lors régulièrement motivée.
En deuxième lieu, pour prononcer le licenciement de M. A... pour insuffisance professionnelle, la directrice générale du CHU de Dijon a relevé plusieurs séries de faits. Tout d'abord, de façon récurrente, M. A... n'assure pas dans les délais et pas intégralement les demandes de courses qui lui sont adressées. Ensuite, il réalise de façon globale entre 30 et 50 % de courses de moins que ses collègues. A ceci s'ajoute le non-respect des règles d'organisation du temps de travail, concernant le " badgeage ", les pauses et les absences. Enfin, il a une attitude inappropriée et excessive, sous la forme de propos déplacés voire agressifs et de menaces à l'égard de ses collègues et plus généralement de ses interlocuteurs. Le CHU a produit en première instance des relevés complets des manquements, particulièrement nombreux, qui ont été constatés durant toute l'année 2020, concernant le non-accomplissement des tâches imparties et le non-respect des règles d'organisation du temps de travail, ces manquements précis n'étant pas sérieusement discutés. Le CHU a également produit plusieurs sanctions disciplinaires infligées en raison de comportements agressifs de M. A... à l'égard d'autres personnels de l'hôpital, en soulignant que le tribunal et la cour en ont alors confirmé la légalité, notamment s'agissant de la matérialité des faits. Le CHU a en outre produit des courriels de ses services, faisant état de propos violents et menaçants récurrents qui génèrent un sentiment de peur, raison pour laquelle les propos sont synthétisés sans indication nominative. A ceci s'ajoutent des documents menaçants laissés par l'intéressé, qui sont également produits. Le CHU souligne de plus que la cour a en particulier, par un arrêt n° 11LY01328 du 6 décembre 2011 définitivement jugé que M. A... a heurté un patient alors qu'il était au volant d'un véhicule de service et qu'il effectuait sans précaution une marche arrière, avant de prendre à partie la victime de cet accident. L'absence de maitrise comportementale de M. A... ne se limite ainsi pas à ses relations avec ses collègues et supérieurs. Le rapport adressé au conseil de discipline, qui est corroboré par l'ensemble des pièces qui viennent d'être évoquées récapitule enfin de façon claire et circonstanciée l'ensemble des manquements constatés, dont chacun s'appuie ainsi sur des éléments probants suffisants. Le moyen tiré de l'absence de matérialité des faits reprochés doit, en conséquence, être écarté.
En troisième lieu, aux termes de l'article 88 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, actuellement repris aux articles L. 553-1 et L. 553-2 du code général de la fonction publique : " Hormis le cas d'abandon de poste et le cas prévu à l'article 62, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle. Le fonctionnaire qui fait preuve d'insuffisance professionnelle peut soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié (...) ". Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé de nouvelles fonctions correspondant à son grade durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ces fonctions peut, alors, être de nature à justifier légalement son licenciement.
Il résulte des dispositions des articles 6 et 7 du décret susvisé du 12 décembre 2016 portant statut particulier des personnels de la filière ouvrière et technique de la catégorie C de la fonction publique hospitalière qu'un ouvrier principal de 2e classe a vocation à accomplir des tâches techniques nécessitant une qualification professionnelle correspondant à un niveau de formation au moins équivalent à un diplôme de niveau V ou à une qualification reconnue équivalente.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... reporte de façon récurrente et dans des proportions très significatives l'exécution de tâches qui lui sont confiées et en refuse d'autres, désorganisant ainsi le service de course dont il fait partie ainsi que les services hospitaliers à destination desquels les prestations sont prévues, y compris pour des commandes passées dans un contexte d'urgence. Il méconnait par ailleurs régulièrement les règles d'organisation du temps de travail et multiplie les absences et les retards, renforçant la désorganisation qu'induit son comportement. Il a par ailleurs développé un comportement agressif et menaçant qui affecte le bon fonctionnement du service public. Ces comportements anciens et systématiquement répétés, dont résulte en particulier le constat d'une impossibilité d'exécuter régulièrement les tâches professionnelles imparties ainsi que de développer des relations de travail normales avec des collègues et tout autre interlocuteur potentiel, révèlent son incapacité à assurer normalement les missions qui relèvent d'un agent de son grade dans le cadre d'un service hospitalier. C'est, dans ces conditions, à juste titre que le CHU de Dijon a estimé que le comportement de M. A... traduisait une insuffisance professionnelle, et la directrice générale du CHU a, en conséquence, sans erreur d'appréciation, pu prononcer son licenciement pour ce motif.
En quatrième lieu, la circonstance que tout ou partie des faits qui caractérisent une insuffisance professionnelle seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de licenciement fondée sur l'insuffisance professionnelle, dès lors qu'une telle insuffisance est effectivement établie. Ainsi, dès lors que l'insuffisance professionnelle de M. A... est en l'espèce établie, comme il vient d'être exposé, la circonstance que certains aspects de son comportement auraient par ailleurs pu le cas échéant connaitre une qualification disciplinaire est sans portée utile.
En cinquième lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit sur le comportement professionnel répété de M. A... qui caractérise une situation d'insuffisance de nature à justifier une mesure de licenciement, il n'est pas fondé à soutenir que son licenciement serait entaché de détournement de pouvoir en alléguant qu'il procéderait d'une discrimination et de la volonté de faire obstacle à une plainte qu'il a adressée à la Défenseure des droits le 27 septembre 2020 en faisant valoir son absence de promotion à un grade supérieur.
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