Doit administratif | Armée | Atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée (Non) | Double nationalité | Double nationalité | Droits de la défense | Injonction du Gouvernement | Interdiction d’occuper certains emplois | Notification d’une lettre de demande d’explication | Perte de la nationalité française | Retrait de la nationalité française
Conseil d'Etat, 25 janvier 2023, M. C. c/ Ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Req. n° 466223
L'article 23-8 du code civil dispose que : "Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n'a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l'injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement. L'intéressé sera, par décret en Conseil d'Etat, déclaré avoir perdu la nationalité française si, dans le délai fixé par l'injonction, délai qui ne peut être inférieur à quinze jours et supérieur à deux mois, il n'a pas mis fin à son activité". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 27-3 du code civil, "Les décrets qui portent perte pour l'une des causes prévues aux articles 23-7 et 23-8 ou déchéance de la nationalité française sont pris, l'intéressé entendu ou appelé à produire ses observations".
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le Ministre de l'Intérieur a invité le justiciable à produire ses observations par un pli recommandé dont l'avis de réception a été signé le 12 novembre 2021. Le justiciable n'établit pas que ce pli aurait été retiré par une tierce personne qui n'avait pas qualité pour recevoir les courriers recommandés qui lui étaient destinés. Par suite, la lettre doit être considérée comme lui ayant été régulièrement notifiée et le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal faute pour l'intéressé d'avoir pu présenter ses observations en défense ne peut qu'être écarté.
Il ressort encore des pièces du dossier, ainsi que l'attestent notamment un certificat de situation administrative délivré le 30 juillet 2020 par le Directeur Général des ressources humaines du Ministère de la Défense Nationale de la République du CONGO ainsi qu'un compte-rendu daté du 30 novembre 2021 adressé au commandant de l'Ecole Militaire Interarmes de SAINT-CYR, où il effectuait un stage en tant qu'élève officier étranger, que le justiciable sert effectivement dans l'armée congolaise. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que ce dernier n'occuperait pas un emploi dans l'armée de la République du CONGO manque en fait.
Il ressort également des pièces du dossier que l'injonction de résigner son emploi a été notifiée au justiciable le 3 juin 2021. S'il soutient qu'ayant intégré l'Ecole Militaire de COËTQUIDAN en 2020 dans le cadre d'une coopération entre la République du CONGO et la FRANCE, sa qualité d'élève officier international lui faisait interdiction de répondre positivement à l'injonction de renoncer à son emploi, il ne saurait à cet effet utilement invoquer le bénéfice d'une instruction ministérielle du 22 novembre 2017 qui se borne en tout état de cause à préciser le statut des étrangers accueillis dans des organismes de formation relevant du Ministère des Armées.
Il ressort enfin des pièces du dossier que le justiciable, s'il est entré en France en 2004, n'a acquis la nationalité française qu'en octobre 2019. Par suite le décret attaqué n'a en tout état de cause, eu égard aux motifs qui le fondent, pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. En outre ce décret est par lui-même dépourvu d'effet sur le territoire français de l'intéressé comme sur ses liens avec les membres de sa famille.
Il résulte de tout ce qui précède que le justiciable n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret lui retirant la nationalité française.
Avocat Droit Administratif
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