Fonction publique | Affectation | Ancienneté dans le corps | Comparaison des candidatures | Détachement syndical | Expérience professionnelle | Fiches individuelles synthétiques | Intérêts du service | Intérêts matériels et moraux | Mutation | Ordre de priorité | Police nationale | Poste vacant | Situation de famille
Cour administrative d’appel de PARIS, 3 mars 2023, Ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer c/ Mme. B. ; Req. n° 22PA01515
Aux termes de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : "L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires (...) Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelle du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu'ils produisent la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions (...) dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle pour les emplois correspondant à leur projet personnalisé d'évolution professionnelle (...)".
Lorsque dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre du mouvement, l'administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d'une part, de l'intérêt du service, d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. L'administration doit également tenir compte de l'ancienneté dans le corps, de l'expérience professionnelle et du grade des candidats ainsi que des caractéristiques du poste à pourvoir. L'imputation de points à un "barème" concernant le mouvement annuel des fonctionnaires de police n'a pas pour objet et ne saurait avoir eu pour effet de priver l'autorité de nomination du pouvoir d'appréciation qui lui appartient dans l'intérêt du service, en lui imposant de pourvoir aux postes vacants dans l'ordre de ce barème, ce dernier n'ayant qu'un caractère indicatif.
En l’espèce, Mme B., gardien de la paix affectée à la police d'administration du Val-de-Marne, rattachée à la préfecture de police de PARIS, a sollicité sa mutation à LA REUNION au titre de l'année 2019. A l'issue de la commission administrative paritaire du 11 avril 2019, sa candidature n'a pas été retenue par le Ministre de l'Intérieur. Par courrier du 9 mai 2019, Mme B. a formé un recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1912315 du 4 février 2022 dont le Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de PARIS a annulé la décision par laquelle le Ministre de l'Intérieur a implicitement refusé de faire droit à la demande de mutation de Mme B. ainsi que la décision prononçant la mutation de M. A et enjoint au Ministre de l'Intérieur de réexaminer la demande de mutation de Mme B. et la situation de M. A. dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Selon la Cour administrative d’appel de PARIS, les premiers juges ont estimé qu'en refusant de faire droit à la demande de mutation de Mme B. et en procédant à celle de M. A., l'administration avait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que l'expérience en matière d'immigration illégale de M. A. dont se prévalait l'administration pour justifier l'intérêt du service à muter ce dernier à LA REUNION n'était pas suffisamment significative pour constituer un motif justifiant la mutation de cet agent.
Le Ministre de l'Intérieur et des outre-mer soutient quant à lui que la candidature de Mme B. pour une mutation à LA REUNION au titre de l'année 2019 n'était pas meilleure que celle de M. A.. Tout d'abord, il fait valoir que si Mme B. comme M. A. établissait le centre de leurs intérêts matériels et moraux sur le territoire de LA REUNION leur donnant priorité dans l'examen de sa candidature au sens des dispositions de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, cette dernière ne disposait pas pour autant d'un droit acquis à être mutée à LA REUNION. Puis, il soutient qu'il a privilégié la candidature de M. A.. au regard notamment de son parcours professionnel qui présentait une diversité plus importante et démontrait une capacité d'adaptation plus importante ainsi qu'une volonté d'acquérir de nouveaux savoir-faire plus prégnante que Mme B. en dépit d'un barème de mutation inférieur.
Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier, notamment des "fiches individuelles synthétiques" de Mme B. et de M. A. que celle-ci est entrée dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale le 1er février 2007 comme élève gardien de la paix et qu'elle a été titularisée le 1er février 2009 alors que M. A. est entré dans le corps le 1er novembre 2009 et a été titularisé le 1er novembre 2011. Mme B. disposait donc d'une ancienneté administrative et dans le grade supérieur à celle de M. A..
Par ailleurs, M. A. présentait des notations inférieures à Mme B. qui a été évalué à 6 lors de son évaluation professionnelle 2018 alors que M. A. n'a pas fait l'objet d'une notation depuis l'année 2012, année au titre de laquelle il a été évalué à 3.
De même, si la mutation de M. A. a été privilégiée en raison de ses affectations notamment à LA REUNION et à la direction de la police aux frontières Aéroport ROISSY CHARLES-DE-GAULLE au regard des enjeux sécuritaires accrus, il apparaît que Mme B. a également servi à LA REUNION en qualité d'adjoint de sécurité et que le Ministre de l’Intérieur ne justifie pas de l'expérience acquise par M. A. en matière d'immigration illégale dans sa dernière affectation au titre de laquelle il était placé en position de détachement syndical depuis plusieurs années.
De plus, si le Ministre de l'Intérieur fait valoir que celui-ci dispose d'une habilitation dans le domaine du maniement du bâton télescopique, qu'il a suivi une formation aux premiers secours ainsi que celle relative au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ces seuls éléments ne sauraient justifier à eux seuls l'intérêt du service pour procéder à la mutation de M. A. à LA REUNION. Il en va de même de la circonstance que l'intéressé a obtenu trois lettres de félicitations dont deux collectives alors qu'il était adjoint de sécurité.
Enfin, si le Ministre de l'Intérieur soutient que les fonctions occupées par Mme B. depuis le début de sa carrière apparaissent sensiblement moins exposées que celles exercées par M. A., il apparaît que ce dernier est comme il a été indiqué supra en position de détachement syndical depuis plusieurs années.
[Rejet de l’appel du Ministre, confirmation de l’annulation prononcée en première instance]
Cf. également : Cour administrative d’appel de PARIS, 3 mars 2023, Mme B. c/ Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Req. n° 22PA01217
Lorsque, dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, et que des agents se sont portés candidats dans le cadre du mouvement, l'administration doit comparer l'ensemble des candidatures dont elle est saisie au titre des mutations en fonction, d'une part, de l'intérêt du service, d'autre part, si celles-ci sont invoquées, compte tenu des priorités fixées par les dispositions citées ci-dessus de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Les décisions de mutation tiennent également compte des lignes directrices de gestion en matière de mobilité.
[Annulation du jugement, annulation de la décision du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice]
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