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Commémoration de l'arrêt BLANCO. Déjà 150 ans, le 8 février 2023 !

Considéré comme l'arrêt fondateur du droit administratif, l'arrêt BLANCO [du Tribunal des Conflits en date du 8 février 1873] a ajouté au dualisme juridictionnel un dualisme juridique. C'est par cette décision majeure que le Tribunal des Conflits a, d'une part, consacré le droit de la responsabilité de l’État à raison des dommages causés par des services publics, ainsi que de facto l'autonomie du droit administratif et, d'autre part, affirmé la compétence de la juridiction administrative pour en connaître.


Droit administratif | Autonomie du droit administratif | Compétence du juge administratif | Dualisme juridique | Responsabilité administrative | Responsabilité de la puissance publique


Tribunal des Conflits, 8 février 1873, BLANCO, Req. n° 00012, Publié au Recueil Lebon


M. Mercier, rapporteur M. David, commissaire du gouvernement

RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'exploit introductif d'instance, du 24 janvier 1872, par lequel Jean Y... a fait assigner, devant le tribunal civil de Bordeaux, l'Etat, en la personne du préfet de la Gironde, Adolphe Z..., Henri X..., Pierre Monet et Jean A..., employés à la manufacture des tabacs, à Bordeaux, pour, attendu que, le 3 novembre 1871, sa fille Agnès Y..., âgée de cinq ans et demi, passait sur la voie publique devant l'entrepôt des tabacs, lorsqu'un wagon poussé de l'intérieur par les employés susnommés, la renversa et lui passa sur la cuisse, dont elle a dû subir l'amputation ; que cet accident est imputable à la faute desdits employés, s'ouïr condamner, solidairement, lesdits employés comme co-auteurs de l'accident et l'Etat comme civilement responsable du fait de ses employés, à lui payer la somme de 40,000 francs à titre d'indemnité ;


Vu le déclinatoire proposé par le préfet de la Gironde, le 29 avril 1872 ;


Vu le jugement rendu, le 17 juillet 1872, par le tribunal civil de Bordeaux, qui rejette le déclinatoire et retient la connaissance de la cause, tant à l'encontre de l'Etat qu'à l'encontre des employés susnommés ;


Vu l'arrêté de conflit pris par le préfet de la Gironde, le 22 du même mois, revendiquant pour l'autorité administrative la connaissance de l'action en responsabilité intentée par Y... contre l'Etat, et motivé :


1° sur la nécessité d'apprécier la part de responsabilité incombant aux agents de l'Etat selon les règles variables dans chaque branche des services publics ;


2° sur l'interdiction pour les tribunaux ordinaires de connaître des demandes tendant à constituer l'Etat débiteur, ainsi qu'il résulte des lois des 22 décembre 1789, 18 juillet, 8 août 1790, du décret du 26 septembre 1793 et de l'arrêté du Directoire du 2 germinal an V ;


Vu le jugement du tribunal civil de Bordeaux, en date du 24 juillet 1872, qui surseoit à statuer sur la demande ;


Vu les lois des 16-24 août 1790 et du 16 fructidor an III ;


Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872 ;


Considérant que l'action intentée par le sieur Y... contre le préfet du département de la Gironde, représentant l'Etat, a pour objet de faire déclarer l'Etat civilement responsable, par application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d'ouvriers employés par l'administration des tabacs ;


Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ; Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître ;


DECIDE :


Article 1er : L'arrêté de conflit en date du 22 juillet 1872 est confirmé.


Article 2 : Sont considérés comme non avenus, en ce qui concerne l'Etat, l'exploit introductif d'instance du 24 janvier 1872 et le jugement du tribunal civil de Bordeaux du 17 juillet de la même année.


Article 3 : Transmission de la décision au garde des sceaux pour l'exécution.



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