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De la compétence du juge administratif sur un litige impliquant un agent de droit privé...

Fonction publique | Accomplissement d’une mission de service public administratif | Agent de droit privé dans la structure d’origine | Contentieux | Compétence de la juridiction administrative | Convention entre deux personnes publiques | Convention de mise à disposition (Oui) | Convention de prêt de main d’œuvre à titre non lucratif entre entreprises (Non) | Discrimination liée au handicap (Non) | Droits de la défense | Echange contradictoire | Egalité de traitement | Fin anticipé de mission | Intérêt du service (Oui) | Office du juge | Pouvoir inquisitorial du juge administratif


Conseil d’Etat, 10 février 2023, M. N. c/ Commune [Anonymisation demandée par la collectivité], Req. n° 448745


Dans un contentieux engagé par un agent de droit privé de la CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS (CDC), mis à disposition au sein d'une commune et qui contestait la décision par laquelle le maire de cette commune a mis fin de manière anticipée à sa mission, le Conseil d’Etat a implicitement reconnu la compétence du juge administrative pour connaitre du litige.


En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article 61-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 334-1 du code général de la fonction publique : "Les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs peuvent, lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé, dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d'Etat". Aux termes de l’article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux : "I. - Les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé pour la réalisation d'une mission ou d'un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé. / La mise à disposition s'applique pour la durée du projet ou de la mission, sans pouvoir excéder quatre ans. / II. - La mise à disposition prévue au I est subordonnée à la signature d'une convention de mise à disposition conforme aux dispositions de l'article 2 du présent décret, conclue entre l'administration d'accueil et l'employeur du salarié intéressé, qui doit recevoir l'accord de celui-ci (…). / La mise à disposition régie par le présent article peut prendre fin à la demande d'une des parties selon les modalités définies dans la convention.(…)". D’autre part, aux termes de l’article L. 8241-2 du code du travail : "(…) Le prêt de main-d'œuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert : / 1° L'accord du salarié concerné ; / 2° Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ; / 3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail. (...)".


En l’espèce, en regardant la convention de mise à disposition d’un agent, conclue entre deux personnes publiques pour l’accomplissement d’une mission de service public administratif, comme fondée sur les dispositions de l’article 61-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l’article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 pris pour son application, seules dispositions dont, au demeurant, l’agent concernée se prévalait devant les juges du fond, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit, la circonstance que cette convention ait visé l’article L. 8241-2 du code du travail étant sans incidence alors qu’il résulte des termes mêmes des dispositions de cet article qu’il ne régit que le prêt de main d’œuvre à titre non lucratif entre entreprises.


C’est également sans erreur de droit que la cour a statué sur la demande de l’agent au vu des seules dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 et des stipulations de cette convention, sans faire application des dispositions du code du travail relatives au licenciement d’un salarié titulaire d’un contrat à durée déterminée.


En deuxième lieu, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d’appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, s’exercer en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.


En l’espèce, en écartant le moyen de de l’agent concernée tiré de ce que la décision de la Commune de mettre fin à sa mise à disposition était fondée sur des considérations tenant à son état de santé au motif, non argué de dénaturation, qu’il résultait de l’instruction que cette décision avait été prise pour des motifs répondant à l’intérêt du service, tenant notamment à l’achèvement de la mission qui lui avait été confiée, et non en conséquence d’une discrimination liée au handicap de l’intéressé, la cour n’a ni commis d’erreur de droit, ni insuffisamment motivé son arrêt.



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