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De la régularité d'un avis de conseil de discipline émis...

Dernière mise à jour : 1 oct. 2023

Fonction publique | Avis erroné du Conseil de discipline | Brigadier-chef | Conseil de discipline | Décompte des voix (Erreur) | Déontologie | Discipline | Police nationale | Révocation | Sanction | Vote


Conseil d’Etat, 26 juin 2023, M. B. c/ Ministre des l’Intérieur et des Outre-mer, Req. n° 464361



En fait, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 septembre 2018, le ministre de l'intérieur a révoqué M. B..., brigadier-chef de la police nationale, au motif qu'il avait commis plusieurs manquements graves aux obligations statutaires et déontologiques attachées à l'exercice de ses fonctions. Le tribunal administratif de BORDEAUX a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette sanction disciplinaire. Par un arrêt contre lequel le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de BORDEAUX a annulé le jugement du tribunal et l'arrêté du ministre et lui a enjoint de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions dans un délai de trois mois.


En droit, aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat (...) ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline (...)". Aux termes de l'article 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : "Le conseil de discipline au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. (...) Dans l'hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune de ces propositions. Son président informe alors de cette situation l'autorité ayant pouvoir disciplinaire".


Dès lors, lorsqu'un conseil de discipline, appelé à se prononcer sur les poursuites dirigées contre un agent, a régulièrement procédé à un vote sur une ou des propositions qui n'ont pas recueilli l'accord de la majorité des membres présents, mais qu'une erreur entachant le décompte de ces votes avait conduit dans un premier temps à considérer, à tort, que le conseil de discipline avait donné un avis favorable, il appartient à l'administration de reprendre la procédure afin de la poursuivre conformément aux modalités précédemment énoncées. Si, à cette fin, elle convoque à nouveau le conseil de discipline, sa composition peut ne pas être identique sans que son avis soit, pour ce seul motif, entaché d'irrégularité. En revanche, l'administration, dès lors qu'elle reprend ainsi la procédure, ne peut soumettre au vote une proposition de sanction déjà écartée par une majorité des membres présents lors de la précédente réunion du conseil de discipline.


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, qu'à l'issue du conseil de discipline qui s'est réuni le 14 mars 2018, un avis favorable à la révocation de M. B., première proposition la plus sévère mise aux voix, a été regardé par cette instance comme adopté en se fondant, ainsi qu'il ressort du procès-verbal, sur un décompte du nombre de voix calculé de manière erronée par rapport aux suffrages exprimés et non, comme l'impose l'article 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 cité précédemment, par rapport au nombre de présents, le quorum étant par ailleurs atteint. Constatant ensuite que cette proposition de sanction ne pouvait être regardée comme ayant recueilli l'accord de la majorité des membres présents, l'autorité administrative a alors décidé de convoquer à nouveau M. B. devant un conseil de discipline qui, convoqué le 10 avril 2018 dans une composition différente, a, après avoir entendu à nouveau l'intéressé sur les mêmes faits, rendu un avis favorable à la sanction de révocation à la majorité de ses membres présents.


En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant que, sauf impossibilité justifiée, il incombait à l'administration, à peine d'irrégularité de la procédure, de convoquer le conseil de discipline dans la même composition afin qu'il poursuive sa délibération, la cour administrative d'appel de BORDEAUX a commis une erreur de droit.


En second lieu toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant, sans dénaturer les pièces du dossier, que la proposition de révocation n'ayant pas obtenu la majorité des présents lors de la première réunion du conseil de discipline, l'autorité administrative, qui avait repris la procédure afin de la poursuivre, ne pouvait mettre aux voix que les sanctions moins sévères que la révocation, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit. Ce motif étant à lui seul de nature à justifier le dispositif de l'arrêt attaqué, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif ainsi que l'arrêté ministériel attaqué et enjoint au Ministre de l'Intérieur de réintégrer M. B. dans ses fonctions dans un délai de trois mois, le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à verser à M. B. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

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