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Il y a un siècle, apparaissait la notion d'agent contractuel de droit public...

Le 26 janvier 1923, le Conseil d'Etat rendait l'arrêt DE ROBERT LAFREGEYRE (Recueil Lebon, p. 67).

Dans cette affaire, Monsieur DE ROBERT LAFREGEYRE, qui avait été recruté par la colonie de MADAGASCAR pour exercer des fonctions de chef service au chemin de fer de la colonie, engagea la responsabilité administrative de son employeur dans le cadre d'une action tendant à lui réclamer des dommages et intérêts pour la rupture de son contrat. Le Conseil d'État avait reconnu la compétence de la juridiction administrative pour connaître du contentieux eu égard au caractère des fonctions de direction exercées par l'intéressé, tout en consacrant la notion d'agent contractuel de droit public...


Nonobstant la reconnaissance à un agent recruté par contrat de la qualité d'agent contractuel de droit public, qui donnera lieu par la suite à toute une évolution jurisprudentielle, l’une des conséquences majeures a été de créer une dichotomie au sein de la catégorie du personnel des services publics industriels et commerciaux en considérant que seule a la qualité d'agent public la personne qui exerce les fonctions de direction au sein de ce type d'établissement, tous les autres agents devant être considérés comme des salariés de droit privé (Conseil d'Etat, Ass. 14 décembre 1928, BILLIARD, Recueil Lebon, p. 1316).


Il est important de préciser que la qualité d'agent public au sein des services publics industriels et commerciaux a été étendue au secrétaire général et à l'agent comptable lorsqu'il est comptable public (Conseil d'Etat, Sect., 8 mars 1957, JALENQUES DE LABEAU, Recueil Lebon, p. 158).


C'est ainsi que, désormais, seuls ont la qualité d'agent public au sein des établissements publics et commerciaux le chef d'établissement et le comptable public.

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Fonction publique | Agent contractuel de droit public | Compétence juridictionnelle | Contentieux administratif | Contrat administratif | Dommages-intérêts | Illégalité fautive | Préjudice | Réparation | Responsabilité administrative | Service public industriel et commercial (SPIC)


Conseil d'Etat, 26 janvier 1923, M. DE ROBERT LAFREGEYRE, Req. n° 625294


Considérant que le sieur de Robert-Lafrégeyre demande au Conseil d'Etat de lui allouer, pour la rupture du contrat qui le liait à la Colonie de Madagascar, une indemnité plus élevée que celle que lui a accordée l'arrêté attaqué ; que cette colonie conclut au rejet de la requête, et, par la voie du recours incident, à la réformation dudit arrêté, en tant qu'il l'a condamnée à payer au sieur de Robert-Lafrégeyre des dommages-intérêts qu'elle estime ne pas lui être dus, ainsi qu'à la condamnation du sieur de Robert-Lafrégeyre à lui rembourser la somme de 5.903 francs 33 payée en vertu de la décision du Conseil du Contentieux administratif ; qu'enfin le sieur de Robert-Lafrégeyre a opposé au recours incident une fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement qu'aurait donné la Colonie à l'arrêté qu'elle critique aujourd’hui devant le Conseil d'Etat ;


Sur la compétence :


Considérant que, eu égard au caractère des fonctions de direction auxquelles le sieur de Robert-Lafrégeyre a été appelé par arrêté du Gouverneur général de la Colonie de Madagascar, les difficultés soulevées entre la Colonie et le requérant touchant les droits résultant pour ce dernier du contrat qui le liait à la Colonie sont de celles sur lesquelles il appartient à la juridiction administrative de statuer, et que, s'agissant de fonctions publiques coloniales, le Conseil du Contentieux administratif de Madagascar était compétent pour en connaître ;


Sur la recevabilité du recours incident :


Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 22 juillet 1806 et de l'article 24 de la loi du 24 mai 1872, le recours devant le Conseil d'Etat n'est pas suspensif ; qu'en conséquence, le fait, par la colonie de Madagascar, d'avoir acquitté sans réserves tout ou partie des condamnations prononcées par le Conseil du Contentieux administratif ne saurait être regardé comme un acte d'exécution volontaire ; que, même si la Colonie a consenti la prolongation du délai fixé par l'arrêté attaqué pour l'embarquement comportant gratuité de transport du requérant, cette mesure, qui ne constitue un acquiescement à aucun chef dudit arrêté, n'est pas davantage de nature à faire obstacle à la recevabilité du recours incident ;


Au fond, sur les conclusions tant du recours principal que du recours incident :


Considérant qu'il résulte de la correspondance échangée fin 1905 et en 1906 entre le représentant légal de la Colonie et le sieur de Robert-Lafrégeyre que ce dernier a accepté de se mettre à la disposition de la Colonie pour exercer, aux conditions de traitement, de durée de séjour et de congé à lui proposées par la Colonie, non pas une fonction déterminée, mais d'une manière générale une fonction de direction afférente à l'exploitation du Chemin de fer ; qu'il a été, en conséquence de cet accord, nommé, aux conditions convenues, par arrêté du Gouverneur général du 8 juillet 1906, chef des services de l'exploitation de ce chemin de fer, puis, dans les mêmes formes, à la suite de la division, par voie réglementaire, des services de l'exploitation du chemin de fer, chef de l'un de ces services qui a été successivement le service de l'exploitation mouvement et trafic, le service de l'exploitation trafic, enfin le service de l'exploitation commerciale ;


Considérant que, par arrêté réglementaire du Gouverneur général de Madagascar en date du 24 décembre 1913, réorganisant les services de l'exploitation du chemin de fer de Tananarive à la côte est, l'administration du chemin de fer a été divisée en six services distincts, parmi lesquels celui de la recette principale, dont l'ensemble était placé sous les ordres d'un fonctionnaire du cadre général des Travaux publics, portant le titre de chef des services de l'exploitation, et qu'à la suite de cette réorganisation, un arrêté du Gouverneur général du 7 janvier 1914 a nommé le sieur de Robert-Lafrégeyre receveur principal du chemin de fer ;


Considérant que, d'une part, le sieur de Robert-Lafrégeyre n'est pas recevable à se plaindre de la suppression de l'emploi de chef du service de l'exploitation commerciale qui est résultée implicitement de la réforme introduite, ainsi qu'il vient d'être dit, dans l'organisation du chemin de fer, et que le Gouverneur général avait le droit de réaliser ; que, d'autre part, la nomination du requérant aux fonctions de chef du service de la recette principale n'a pas été faite en violation des engagements pris par la Colonie à son égard ; qu'en effet, la fonction à laquelle il a été ainsi appelé constituait une fonction de direction de la nature de celles dans lesquelles la Colonie s'était engagée à utiliser ses services ; qu'il n'est même pas allégué que le traitement que le requérant devait recevoir en sa nouvelle qualité fût inférieur à celui qu'il avait stipulé dans son contrat, et qu'il n'est pas, au surplus, établi que la Colonie ne lui eût pas maintenu le traitement dont il jouissait avant le 7 janvier 1914, s'il avait accepté le poste auquel il a été nommé à cette date ; que, dès lors, le sieur de Robert-Lafrégeyre n'est pas fondé à prétendre que la Colonie de Madagascar n'a pas rempli toutes les obligations dont elle était tenue envers lui ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en refusant le poste qui lui était offert, le sieur de Robert-Lafrégeyre a, tout à la fois, renoncé à son emploi et rompu l'engagement qui le liait à la Colonie ; que, par suite, il ne peut réclamer aucune indemnité, qu'il y a lieu, en conséquence, faisant droit au recours incident, d'annuler l'arrêté attaqué et de décider que le sieur de Robert-Lafrégeyre remboursera à la Colonie de Madagascar la somme de 5.903 francs 33 que celle-ci justifie lui avoir payé en exécution dudit arrêté ;



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