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La mise à disposition d'un local communal à titre gratuit consentie à une association cultuelle ne constitue pas une libéralité en faveur d'un culte, prohibée par la loi du 9 décembre 1905...

Dernière mise à jour : 3 avr.

Conseil d'Etat, 18 mars 2024, Commune de NICE c/ M. A. et Association Niçoise pour la défense de la Laïcité, Req. n° 471061

 

Droit administratif | Collectivité territoriale | Autorisation d’utilisation ou d’occupation du domaine public | Contribution | Fête religieuse | Gratuité | Laïcité | Libéralité | Liberté de conscience | Liberté de culte | Liberté religieuse | Mise à disposition d’un local communal à une association pour l’exercice d’un culte | Ordre public | Principe de neutralité | Séparation de l’Eglise et de l’Etat | Service public communal | Subvention (Non)

 


Considérant ce qui suit :

 

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 juin 2018, le maire de Nice a autorisé l'association " Union des Musulmans des Alpes-Maritimes " à occuper à titre gratuit le théâtre municipal Lino Ventura le matin du vendredi 15 juin 2018 entre 7 heures à 11 heures afin d'y célébrer la fête musulmane de l'Aïd-el-Fitr. Saisi de la demande d'annulation de cet arrêté formée par M. A... et l'association niçoise pour la défense de la laïcité, le tribunal administratif de Nice l'a rejetée par un jugement du 16 février 2021. La commune de Nice se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 13 juin 2018. Par un pourvoi incident, M. A... et l'association niçoise pour la défense de la laïcité demandent l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Nice, sous astreinte, d'émettre un titre de recette d'un montant de 1 020 euros à l'encontre de l'association à raison de cette occupation.

 

Aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ". L'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ".

 

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Le huitième alinéa du même article prévoit toutefois, par dérogation à ce premier alinéa, que " l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d'un intérêt général ".

 

Aux termes de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales : " Des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations ou partis politiques qui en font la demande. / Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public. / Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation (...) ". Sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l'application de ces dispositions, les locaux affectés aux services publics communaux.

 

Ces dispositions du code général des collectivités territoriales permettent à une commune, en tenant compte des nécessités qu'elles mentionnent, d'autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, l'utilisation, par une association pour l'exercice d'un culte, d'un local communal, tel que défini à l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, à l'exclusion de toute mise à disposition exclusive et pérenne, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. Une commune ne peut rejeter une demande d'utilisation d'un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d'exercer un culte.

 

Ainsi, lorsque le conseil municipal détermine, en tant que de besoin, la contribution due par une association, dans un tel cas, à raison de l'utilisation d'un local communal en vertu des dispositions de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, lesquelles dérogent à celles, générales, de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, il lui appartient d'arrêter le montant de cette contribution, dans le respect du principe d'égalité, de telle façon qu'il ne soit pas constitutif d'une libéralité. L'existence d'une libéralité, qui ne saurait résulter du simple fait que le local est mis à disposition gratuitement, est appréciée compte tenu de la durée et des conditions d'utilisation du local communal, de l'ampleur de l'avantage éventuellement consenti et, le cas échéant, des motifs d'intérêt général justifiant la décision de la commune.7. En l'espèce, pour juger illégal l'arrêté du maire de Nice en date du 13 juin 2018 qui avait autorisé l'association " Union des Musulmans des Alpes-Maritimes " à occuper gratuitement un théâtre faisant partie du domaine public de la commune pendant quatre heures le matin du vendredi 15 juin 2018 pour célébrer la fête musulmane de l'Aïd-el-Fitr, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur les dispositions de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques et a retenu que l'association en cause, ayant une activité cultuelle, ne pouvait être regardée comme une association concourant à la satisfaction d'un intérêt général visée à cet article. Elle en a déduit que l'arrêté litigieux était illégal comme méconnaissant les dispositions de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques et, partant, celles de la loi du 9 décembre 1905 prohibant toute libéralité assimilable à une subvention destinée à un culte. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer au regard des dispositions de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales et qu'elle ne pouvait déduire, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de la seule circonstance que le local communal avait été mis à disposition à titre gratuit que la commune aurait consenti une libéralité en faveur d'un culte, prohibée par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

 

Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la commune de Nice est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

 

L'annulation, sur le pourvoi principal de la commune de Nice, de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille prive d'objet le pourvoi incident de M. A... et de l'association niçoise pour la défense de la laïcité. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

 

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et de l'association niçoise pour la défense de la laïcité une somme globale de 3 000 euros à verser à la commune de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de la commune de Nice, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

 

(Cf. Conseil d’Etat, 7 mars 2019, Commune de VALBONNE, Req. n° 417629 ; Conseil d’Etat, Assemblée du Contentieux, 19 juillet 2011, Commune de MONTPELLIER, Req. n° 313518)



 

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