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La perte de confiance ne saurait justifier une suspension ou un licenciement disciplinaire...

Fonction publique | Agent contractuel | Discipline | Erreur manifeste d’appréciation | Absence faute | Insuffisance professionnelle (Non) | Licenciement | Matérialité des faits non établie | Notion de caractère suffisant de vraisemblance et de gravité | Perte Confiance | Suspension


Cour administrative d’appel de MARSEILLE, 18 octobre 2022, Mme B. c/ Commune du MONETIER-LES-BAINS, Req. n° 20MA03651


En premier lieu, s’agissant de la mesure de suspension, aux termes de l'article 30 de loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...). / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...)". Mais, selon le II de l'article 32 de la même loi, dans sa rédaction applicable au présent litige : "Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, sont applicables aux agents contractuels le chapitre II, l'article 22, l'article 22 ter, l'article 22 quater, l'article 23 bis à l'exception de ses II et III, l'article 24 et le présent chapitre IV, à l'exception de l'article 30.". Il résulte de ces dernières dispositions que, contrairement à la référence figurant dans l'objet de la décision contestée l'article 30 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 est inapplicable à la situation d’un agent contractuel.


Ni le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, ni aucun autre texte applicable aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, n'instituent une telle possibilité pour ces agents, les dispositions précitées de l'article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, éclairées par les travaux parlementaires ayant présidé à leur adoption, n'ont pas eu pour objet et ne sauraient avoir pour effet de mettre un terme à cette possibilité, ouverte même sans texte, pour l'autorité compétente, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige. Cette mesure, lorsqu'elle est prononcée aux fins de préserver l'intérêt du service, est une mesure à caractère conservatoire qui peut être prise lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.


En l'espèce, selon les termes de la décision contestée du 24 octobre 2017, l’agente contractuelle a été suspendue de ses fonctions, à titre conservatoire et avec effet immédiat, en raison de la perte de confiance de la Maire du MONETIER-LES-BAINS à son égard, suite à ses refus d'obéissance répétés, "au sujet notamment de la situation du responsable des services techniques de l'établissement [Les Grands Bains du Monêtier]", de manquements à son devoir de loyauté mais aussi à son devoir de réserve et à l'obligation de discrétion professionnelle. La Maire du Monêtier-les-Bains lui reprochait également, dans cette même décision, un comportement qui ferait peser un risque sur la continuité du service public mais aussi sur la santé et la salubrité publiques.


Toutefois, les faits reprochés à l’agente contractuelle ne sont pas établis ou, s'ils le sont pour partie, ne sont pas constitutifs d'une faute. Dans ces conditions, ces faits ne présentaient pas, à la date d'édiction de la décision attaquée, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité justifiant qu'une mesure de suspension soit prise à l'encontre de l'intimée. Il s'ensuit qu'en prononçant sa suspension à titre conservatoire, la Maire du MONETIER-LES-BAINS a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.


En deuxième lieu, s’agissant de la décision de licenciement, selon l'article 36 du décret n° 88-145 susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : "Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal." L'article 36-1 de ce même décret précise, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : "Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / Toute décision individuelle relative aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme est soumise à consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée."


Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, Req. n° 347704).


En l’espèce, pour prononcer, à titre disciplinaire, par l'arrêté contesté, le licenciement de l’agente contractuelle sans préavis, ni indemnité, la Maire du MONETIER-LES-BAINS a repris les griefs, qu'elle avait déjà opposés à cette dernière pour décider préalablement de sa suspension provisoire de ses fonctions de directrice de l'établissement "Les Grands Bains du Monêtier".


Or, la perte de confiance ne revêt pas un caractère fautif, de sorte qu'un tel motif ne peut légalement fonder un licenciement prononcé à l'issue d'une procédure disciplinaire.


De plus, il est constant qu'à compter du mois d'octobre 2017, concomitamment à la fin de la période d'essai de l’agente contractuelle licenciée, le directeur des services techniques de la Commune du MONETIER-LES-BAINS, et frère de la Maire, a été nommé, à mi-temps, responsable technique au sein des services de l'établissement "Les Grands Bains du Monêtier".


En sa qualité de directrice de cet établissement, l’agente contractuelle licenciée a pu exprimer, auprès de la Maire et de la Directrice générale des services de cette commune, dans des termes certes directs, des réserves sur cette mise à disposition allant jusqu'à affirmer que cette situation pourrait la décrédibiliser et l'empêcher de mener à bien ses propres missions visant à garantir le bon fonctionnement du service, et à regretter le caractère contradictoire des informations verbales dont elle disposait.


Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commune du MONETIER-LES-BAINS, il n'est pas établi, au vu des pièces versées aux débats, que l’agente contractuelle sanctionnée ait, à cette occasion, fait preuve d'irrespect ou qu'elle se soit exprimée dans des termes irrévérencieux, injurieux ou encore diffamants. Il ne ressort pas davantage de ces mêmes pièces que l’agente contractuelle aurait refusé d'obéir à une instruction ou à une directive de ses supérieures hiérarchiques, et, en particulier, de la Maire du MONETIER-LES-BAINS. Par suite, la matérialité de ces griefs que n'est pas établie ne saurait fonder la sanction litigieuse.


De plus, outre les réserves exprimées l’agente contractuelle sanctionnée, il ressort des pièces du dossier que cette dernière a sollicité, en vain, par plusieurs courriels adressés à la Maire du MONETIER-LES-BAINS, avec copie à la seule directrice générale des services ou au directeur des services techniques de cette commune, des clarifications sur la place de ce dernier au sein de l'organigramme de l'établissement "Les Grands Bains du Monêtier", sur son positionnement hiérarchique et ses missions exactes, tout en s'interrogeant sur la légalité de sa mise à disposition et sur l'effectivité de ses fonctions. Bien que l’agente contractuelle concernée ait réitéré ces demandes devant certains agents de l'établissement "Les Grands Bains du Monêtier", notamment au cours d'un comité de pilotage, et à supposer même qu'à cette occasion, le public présent en ait eu connaissance, il reste que ces demandes ont été présentées en vue d’assurer une gestion saine et transparente des ressources humaines, mais aussi dans l'intérêt du service afin, en particulier, de prévenir l'établissement et la municipalité d'alors de toute accusation sachant qu’elle n’a commis aucun manquement à l'obligation de discrétion professionnelle ni au devoir de réserve ou encore au devoir de loyauté.


Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de l’agente contractuelle concernée aurait entraîné des risques pour la continuité du service, la santé et la salubrité publiques, comme allégué par la Maire du MONETIER-LES-BAINS ni qu’elle aurait faite preuve d’insuffisances professionnelles [qui ne constituent pas une faute].


Commentaire : Dans cette affaire, la lecture des faits nous laisse craindre que l’employeur était à la limite d’un détournement de pouvoir…


Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

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