Fonction publique | Contentieux administratif | Décision implicite de rejet | Délai de recours | Forclusion | Tardiveté | Silence gardé par l’administration | Théorie de la connaissance acquise des délais de recours par le fonctionnaire
Conseil d'Etat, 15 mai 2023, Mme A. C/ Département de MEURTHE-ET-MOSELLE, Req. n° 463055
En premier lieu, aux termes de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration : "Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents". Cette sous-section comprend l'article L. 112-3, aux termes duquel : "Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...)", ainsi que l'article L. 112-6, aux termes duquel : "Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite".
En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : "Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : "Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...)".
Il résulte des dispositions précitées ci-dessus qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir.
En l’espèce, par un courrier du 27 juillet 2014, une fonctionnaire, adjointe administrative de 2ème classe, a demandé au président du conseil départemental de MEURTHE-ET-MOSELLE que sa maladie soit reconnue comme imputable au service. Par un arrêté du 7 décembre 2015, le président du conseil départemental de MEURTHE-ET-MOSELLE a refusé cette reconnaissance d'imputabilité. Par un courrier du 12 janvier 2016, la fonctionnaire a formé un recours gracieux contre cet arrêté qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. A la suite d'un second avis défavorable de la commission départementale de réforme du 13 octobre 2016, le Président du conseil départemental de MEURTHE-ET-MOSELLE a, par un second arrêté du 26 octobre 2016, réitéré son refus de reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie de la fonctionnaire. Celle-ci se pourvoit régulièrement en cassation contre l'arrêt du 8 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de NANCY a rejeté son appel formé contre le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de NANCY rejetant sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie au motif que sa demande de première instance enregistrée le 3 mai 2017 était tardive et par conséquent irrecevable.
Pour juger que les conclusions présentées devant le tribunal administratif de NANCY par la fonctionnaire étaient irrecevables, la cour administrative d'appel de NANCY a retenu que le silence gardé par le président du conseil départemental de MEURTHE-ET-MOSELLE sur le recours gracieux de la requérante formé le 12 janvier 2016 avait fait naître une décision implicite de rejet le 14 mars 2016, laquelle ne pouvait être contestée que jusqu'au 17 mai 2016. Elle a relevé que l'arrêté du 26 octobre 2016 du président de ce même conseil départemental rejetant explicitement le recours gracieux de la requérante n'avait pas, en l'absence de demande ou circonstances de fait ou de droit nouvelles, rouvert un délai de recours contre la décision implicite de rejet du 14 mars 2016 qui était devenue définitive à cette date. Elle en a déduit que le recours contentieux formé par ladite fonctionnaire le 3 mai 2017 devant le tribunal administratif de NANCY était tardif.
En statuant ainsi, alors que la fonctionnaire, en sa qualité d'agent titulaire de la fonction publique en activité, ne saurait se prévaloir de l'absence d'accusé de réception de son recours gracieux du 12 janvier 2016 par l'administration, et que la seconde décision du 26 octobre 2016 du président du conseil départemental de MEURTHE-ET-MOSELLE doit être regardée comme purement confirmative de sa décision implicite de rejet du 14 mars 2016, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
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