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Le harcèlement sexuel est une faute grave, qui mérite une sanction plus sévère qu’un blâme…

Fonction publique | Absence de sévérité de la sanction par rapport à la faute | Atteinte à la dignité | Blâme | CNESER | Défaut de motivation | Défaut de réponse à un moyen | Devoir d’exemplarité | Devoir d’intégrité | Devoir de discrétion professionnelle | Devoir de probité | Devoir de secret | Discipline | Faute | Harcèlement sexuel | Impartialité | Sanction


Conseil d’Etat, 10 mars 2023, SORBONNE UNIVERSITE c/ M. C., Req. n° 456602


En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 232-41 du code de l'éducation, applicable à la procédure devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire : "La décision doit être motivée. (...)".


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier de la procédure suivie devant le CNESER, statuant en matière disciplinaire, que, dans sa requête d'appel, l'établissement SORBONNE UNIVERSITE a présenté, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2017 de la section disciplinaire du conseil académique, un moyen tiré de ce qu'en donnant aux étudiants de son groupe de travaux dirigés un sujet similaire à celui de l'épreuve commune donnée à l'ensemble des étudiants, un maître de conférence avait manqué aux devoirs de secret et de discrétion professionnels ainsi que d'impartialité, d'intégrité et de probité qui s'imposent aux fonctionnaires en vertu de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Dès lors, l'établissement SORBONNE UNIVERSITE est fondé à soutenir que, faute d'avoir répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a entaché sa décision d'insuffisance de motivation.


En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : / a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire : / 1° Parce qu'il a subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas, y compris, dans le cas mentionné au a, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés ; / 2° Parce qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ; / 3° Ou bien parce qu'il a témoigné de tels faits ou qu'il les a relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas".


Il résulte de ces dispositions que des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d'une sanction disciplinaire.


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que le maître de conférence a proposé à plusieurs étudiantes de son groupe de travaux dirigés, qui avaient sollicité un entretien avec lui pour échanger sur la notation de leurs copies, de se rendre au restaurant ou de lui rendre visite à son domicile, en fin de semaine ou le soir, d'autre part, qu'il a proposé, lors d'un entretien en tête-à-tête, à une étudiante qui était souffrante de lui faire un massage, enfin, qu'il a assorti l'un de ses messages d'invitation à une soirée privée à l'une de ses étudiantes d'un commentaire sur son apparence physique et sur celui d'une de ses amies à qui était également destinée son invitation. En jugeant que ces faits répétés à l'encontre de certaines étudiantes, qui ont créé une situation intimidante et offensante pour elles, n'étaient pas constitutifs de harcèlement sexuel, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a inexactement qualifié les faits de l'espèce et, eu égard à la nature de ces faits et à la relation d'autorité qui est celle d'un enseignant-chercheur avec ses étudiants ainsi qu'à l'exemplarité et l'irréprochabilité qui, par suite, lui incombent, retenu une sanction hors de proportion avec les fautes commises.


Il résulte de ce qui précède que l'établissement SORBONNE UNIVERSITE est fondé à demander l'annulation de la décision du 8 juillet 2021 du CNESER, statuant en matière disciplinaire, qu'elle attaque.


[Annulation et renvoi de l'affaire devant le CNESER]



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif




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