Conseil d'Etat, 16 février 2024, Commune de SAINT-MALO c/ M. B., Req. n° 476108
Fonction publique | Agent contractuel de droit public | Cours particuliers | Déontologie | Discipline | Enseignement artistique | Faute | Gestes inappropriés | Licenciement | Manquement au devoir d'exemplarité | Massage | Relation professeur et élève | Sanction | Troubles psychologique
Considérant ce qui suit :
Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 17 décembre 2020, le maire de Saint-Malo a prononcé le licenciement pour motif disciplinaire, sans préavis, ni indemnité, de M. B..., professeur territorial contractuel d'enseignement artistique, chargé d'enseignement de guitare au sein du conservatoire de musique Claude Debussy, en raison d'une proximité physique et de gestes déplacés vis-à-vis de l'une de ses élèves. La commune de Saint-Malo se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'elle a annulé le jugement du 7 février 2022 du tribunal administratif de Rennes ainsi que la décision du maire de Saint-Malo prononçant le licenciement de M. B... et a enjoint au maire de Saint-Malo de réintégrer ce dernier dans ses fonctions. La commune demande en outre qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt.
Le pourvoi et la requête présentés par la commune de Saint-Malo tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le pourvoi :
Aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale (...) d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ".
Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Si le caractère fautif des faits reprochés est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.
Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le cadre de cours de musique qu'il donnait à son domicile à une élève de 14 ans, M. B... a pratiqué des massages au niveau des mains et du cou qui ont notamment consisté en des " craquages " au cours desquels cette dernière était assise à califourchon sur les genoux de son professeur, face à lui, ou à la faire assoir sur ses genoux et lever les bras, tout en lui soulevant les épaules. De tels gestes, même accomplis dans le seul but de soulager l'élève de tensions musculaires ou de corriger une posture, étaient manifestement inappropriés au regard de ceux que des considérations pédagogiques auraient justifiés. Il ressort d'ailleurs également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces agissements ont occasionné à l'enfant des troubles d'ordre psychologique impliquant un suivi psycho-thérapeutique. Dans ces conditions, eu égard à la gravité du manquement commis au devoir d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressé, à la réputation du service public ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du conservatoire, toutes les sanctions moins sévères susceptibles d'être infligées à M. B..., en application de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 mentionné ci-dessus, étaient, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes commises par ce dernier. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la commune de Saint-Malo est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
[Annulation de l’arrêt, renvoi et condamnation de l’agent à verser la somme de 3000 € à la commune sur le fondement de l’article L. 761-1 du CJA]
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