Fonction publique | Abrogation d'un acte | Accord de l’employeur | Fraude | Négociation et convention avec l‘employeur public | Note d’honoraires de l’avocat | Notion d’honoraires manifestement excessifs | Notion de tarifs pratiqués | Protection fonctionnelle | Procédure pénale | Retrait d’un acte
Cour administrative d’appel de TOULOUSE, 21 février 2023, M. C. c/ Centre hospitalier de LAVAUR, Req. n° 20TL22624
Sur la légalité de la décision d'abrogation de la protection fonctionnelle :
Aux termes de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui est applicable aux praticiens hospitaliers en vertu des dispositions de l'article L. 6152-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : "I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. II.- Lorsque le fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable au fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. III.- Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. (...). La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...)".
Si le caractère d'acte créateur de droits de la décision accordant la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires fait obstacle à ce que l'administration puisse légalement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hormis dans l'hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude, l'autorité administrative peut mettre fin à cette protection pour l'avenir si elle constate à la lumière d'éléments nouvellement portés à sa connaissance que les conditions de la protection fonctionnelle n'étaient pas réunies ou ne le sont plus, notamment si ces éléments permettent de révéler l'existence d'une faute personnelle ou que les faits allégués à l'appui de la demande de protection ne sont pas établis.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier :
En premier lieu, qu'à la suite des signalements et plaintes initiés par plusieurs agents du centre hospitalier de Lavaur à l'encontre du praticien hospitalier à compter du mois de décembre 2016, l'appelant a été placé en garde à vue les 9 et 10 avril 2018, avant d'être placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer la profession de médecin anesthésiste et d'entrer en relation avec quatre agents de l'établissement par ordonnance du 26 avril 2018 du vice-président du tribunal de grande instance. Il résulte des termes de cette ordonnance que le du praticien hospitalier est prévenu des chefs d'avoir imposé à un agent du centre hospitalier de LAVAUR de façon répétée des propos ou comportements à connotation sexuelle, en lui faisant notamment des propositions de nature sexuelle et des remarques dégradantes à connotation sexuelle devant des tiers, d'avoir commis des atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de ce même agent, notamment en l'embrassant sur la bouche, et d'avoir harcelé trois autres agents, en dénigrant leur travail, en leur faisant des reproches injustifiés, en les faisant travailler sous une pression constante et en s'adressant à eux en criant. Au regard de ces éléments ainsi que des incriminations pénales ressortant de l'enquête du ministère public, du renvoi du praticien hospitalier devant le tribunal correctionnel le 4 septembre 2018 et en raison de l'extrême gravité des fautes retenues par le ministère public et du caractère détachable du service des fautes couvertes par ces incriminations, le directeur du centre hospitalier de Lavaur a décidé, le 28 juin 2018, d'abroger la décision du 3 mars 2017 qui lui avait octroyé la protection fonctionnelle. L'ensemble de ces événements, lesquels sont postérieurs à la décision accordant au praticien hospitalier concerné le bénéfice de la protection fonctionnelle, constituent des éléments nouvellement portés à la connaissance de l'administration permettant de révéler l'existence de fautes personnelles à l'origine de l'engagement de la procédure pénale. Par suite, ces éléments permettaient au directeur du centre hospitalier de LAVAUR de constater que les conditions de la protection fonctionnelle n'étaient plus réunies et d'abroger la décision du 3 mars 2017, sans qu'y fasse obstacle le principe de la présomption d'innocence reconnu par l'article 9-1 du code civil. Contrairement à ce que persiste à soutenir le praticien hospitalier, le directeur du centre hospitalier de LAVAUR n'était pas tenu d'attendre l'issue des poursuites pénales engagées à son encontre pour abroger la décision lui accordant la protection fonctionnelle.
En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'article 2 de la décision du 28 juin 2018 que le retrait de la protection fonctionnelle précédemment octroyée au praticien hospitalier concerné est "d'application immédiate au jour de la notification". Dès lors, cette décision est dépourvue de tout effet rétroactif.
Sur la légalité de la décision de refus de prise en charge de frais d'honoraires de son avocat :
Il résulte des dispositions énoncées que lorsque le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, il bénéficie d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. En l'absence de convention conclue entre la collectivité publique concernée, l'avocat désigné ou accepté par l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle et, le cas échéant, cet agent, il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe que cette collectivité publique pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L'administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier adressé au praticien hospitalier le 18 mai 2017, le directeur du centre hospitalier de LAVAUR l'a informé des modalités de prise en charge de ses frais de conseil pris auprès d'un avocat dans le cadre de la protection fonctionnelle. Dès lors que l'appelant n'avait pas choisi de faire appel à l'avocat de l'assureur du centre hospitalier et sollicité un autre avocat, l'établissement indiquait qu'il pouvait négocier et payer directement les honoraires à l'avocat choisi, et qu'en cas de règlement par le bénéficiaire de la protection, la demande de remboursement des frais par le centre hospitalier s'effectuait sur la base d'un tarif accepté. Si le praticien hospitalier a adressé au centre hospitalier de LAVAUR le 18 juin 2018 une demande de remboursement des honoraires d'avocat dont il s'est acquitté au titre des diligences accomplies lors de sa garde à vue des 9 et 10 avril 2018, il ne justifie ni même n'allègue qu'il aurait préalablement recueilli l'accord de l'établissement sur les tarifs pratiqués par son conseil, ainsi qu'il lui avait été demandé. Par suite, le centre hospitalier de LAVAUR pouvait refuser de prendre en charge les frais d'honoraires de son conseil pour ce motif.
Commentaire : Lorsqu’on lit que le montant de la protection fonctionnelle est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire, on n’a de quoi s’inquiéter pour le secret professionnel de l’avocat…
Quant à la négociation des honoraires de l’avocat du fonctionnaire par l’employeur public, il y a de quoi consacrer une protection au rabais et ce, au détriment du fonctionnaire alors que la fixation des honoraires est normalement, par principe, libre.
Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif
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