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Quand la suspension temporaire d'un médecin repose sur une appréciation inexacte des textes...

Fonction publique | Avis | Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) | Dangerosité de l’exercice | Exercice de la profession | Expertise | Insuffisance professionnelle | Médecin | Praticien hospitalier | Rapport | Spécialité | Suspension temporaire


Conseil d'Etat, 21 mars 2023, M. B. c/ Conseil National de l'Ordre des Médecins, Req. n° 463886


Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : "I.- En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil régional ou interrégional est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier est choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. (....) / IV.- Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport d'expertise (...) indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. Si les experts ne peuvent parvenir à la rédaction de conclusions communes, le rapport comporte l'avis motivé de chacun d'eux. / VI. Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien (...)".


En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le conseil régional des Pays de la Loire de l'ordre des médecins a été saisi par le conseil départemental de Maine-et-Loire de l'ordre des médecins, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique précitées, de la situation du justiciable, médecin spécialiste, qualifié en oncologie médicale, exerçant au sein de la clinique du Parc à Cholet depuis le mois d'avril 2021 après avoir exercé en qualité de praticien hospitalier au centre hospitalier universitaire de Gonesse (Val d'Oise) dont il était chef de service de 2013 à 2016, puis, jusqu'à la fin de l'année 2020, comme médecin remplaçant au sein du "National Health Service" au Royaume-Uni. Par une décision prise, en application du VI du même article, sur renvoi du conseil régional des Pays de la Loire, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a, par la décision attaquée du 11 mars 2022, suspendu le justiciable du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et subordonné la reprise de son activité à la réalisation d'un stage pratique dans un service qualifié pour le diplôme universitaire d'études spécialisées d'oncologie médicale.


Il ressort des pièces du dossier que pour évaluer les connaissances théoriques et pratiques du justiciable, une expertise a été diligentée, en application des dispositions précitées, laquelle a relevé que si le justiciable avait, depuis son autorisation d'exercice, obtenue en 2010, suivi une formation médicale continue en cancérologie, qu'il disposait des connaissances théoriques en adéquation avec une pratique courante de l'oncologie médicale, qu'il sollicitait régulièrement les "spécialistes d'organes" au sein du centre hospitalier où il exerce, qu'il était favorable à la prise en charge collégiale des patients, il ne démontrait pas une connaissance suffisante du réseau régional d'accès à l'innovation thérapeutique et aux spécialistes de recours. Au vu de ces constats, elle a recommandé de mettre en place une supervision du justiciable par un référent universitaire en oncologie, en vue d'une meilleure connaissance des recours en région. Il ressort également des pièces du dossier que pour prendre la décision attaquée, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, qui a fait sienne ces analyses, tout en relevant l'importance, pour les patients atteints d'un cancer, de pouvoir, le cas échéant, être orientés vers une équipe de soins disposant de compétences particulières leur permettant de bénéficier de la prise en charge la plus appropriée et de les faire bénéficier, s'il y lieu, d'innovations thérapeutiques, a constaté que le justiciable "n'a[vait] adressé aucun élément écrit de nature à apporter une réponse pertinente aux constatations des experts et n'a[vait] notamment pas exposé comment il envisageait l'organisation de son activité pour avoir un référent universitaire". Elle en a conclu que le justiciable devait, dès lors, être "regardé comme présentant une insuffisance professionnelle de nature, à ce jour, à rendre dangereux l'exercice de l'oncologie médicale", l'a suspendu du droit d'exercer l'oncologie médicale pendant six mois et a subordonner, la reprise de son activité à l'issue de cette période à la réalisation d'un stage, devant être évalué, de six mois dans un service de centre hospitalier universitaire "validant pour le DES [diplôme d'études spécialisées] d'oncologie médicale". En se fondant sur ces seuls éléments pour suspendre, pendant six mois, le justiciable de son droit d'exercer l'oncologie médicale et subordonné la reprise de son activité à l'accomplissement d'un stage de six mois dans un service hospitalier validant pour le diplôme d'études spécialisées d'oncologie, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a fait une application inexacte des dispositions précitées.


[Annulation de la décision de sanction]



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