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Quand les mauvaises pratiques de l’administration sauvent l’agent de la révocation...

Fonction publique | Détournement de fonds | Discipline | Disproportion de la sanction para rapport à la faute | Faute | Manquement au devoir de probité | Mauvaise pratique de l’administration | Révocation | Sanction


Cour administrative d’appel de NANCY, 11 avril 2023, Mme B. c/ COMMUNAUTE DE COMMUNES DE COTES DE CHAMPAGNE ET VAL DE SAULX, Req. n° 20NC03613


Recrutée en tant qu'agent contractuel le 1er juillet 2003 et titulaire du grade d'adjoint administratif principal de deuxième classe depuis le 30 juin 2014, Mme D... B... exerce ses fonctions au sein de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx, où elle était notamment chargée de l'accueil, de la gestion des paies et des carrières, de l'élaboration du budget et du suivi des recettes et des dépenses. Elu en septembre 2017, le nouveau président de cet établissement public de coopération intercommunale a constaté que la requérante avait bénéficié, de décembre 2015 à novembre 2016, d'une majoration indue de l'indemnité d'administration et de technicité, qui lui avait été accordée par un arrêté du 3 décembre 2015, par l'octroi d'heures supplémentaires fictives et qu'elle avait, pour ce faire, imité sur les certificats administratifs requis pour l'attribution de ces heures la signature de son prédécesseur. Après avoir déposé plainte le 20 avril 2019 pour faux et abus de confiance, suspendu l'intéressée de ses fonctions le 29 mai 2019, puis recueilli l'avis du conseil de discipline, lequel a, le 29 juillet 2019, proposé, à la majorité de ses membres, une exclusion temporaire de fonctions de seize jours, il a, par un arrêté du 9 septembre 2019, a prononcé la révocation de Mme B... à compter du 11 septembre suivant pour manquement grave au principe de probité, détournement de fonds publics à son profit et usage de faux en écriture publique. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. La communauté de communauté de Côtes de Champagne et Val de Saulx relève appel du jugement n° 1902637 du 20 octobre 2020 qui fait droit à cette demande.


Sur le bien-fondé du jugement :


Aux termes du premier alinéa de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : "Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale.". Aux termes du premier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : "Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation.".


Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l'intéressé et de ses antécédents disciplinaires.


En l'espèce, pour justifier le prononcé à l'encontre de Mme B... de la sanction de la révocation, le président de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx soutient, d'une part, que l'intéressée a manqué à son devoir de probité et détourné des fonds publics à son profit en s'attribuant indûment sur sa fiche de paie, de décembre 2015 à novembre 2016, une majoration d'indemnité d'administration et de technicité d'un montant total de 1 396,59 euros par l'octroi d'heures supplémentaires fictives, d'autre part, qu'elle s'est rendue coupable de faux en écriture publique en imitant, à cinq reprises au moins, la signature de son prédécesseur sur les certificats administratifs permettant le paiement de ces heures supplémentaires.


Mme B... ne conteste pas les conclusions du rapport d'expertise graphologique du 30 octobre 2018, sollicité par son employeur, et admet avoir contrefait la signature du président de la communauté de communes alors en fonctions sur cinq certificats administratifs datés des 19 janvier, 17 mars, 19 mai, 14 juin et 22 août 2016. Elle fait valoir cependant que ce dernier lui avait donné son accord, non seulement pour compenser financièrement, par le paiement d'heures supplémentaires fictives, l'impossibilité de faire rétroagir le versement de l'indemnité d'administration et de technicité, allouée à l'intéressée à compter du 1er décembre 2015, à la date de sa demande en septembre 2014, mais aussi pour imiter en cas d'urgence sa signature sur certains documents, tels des fiches de paie ou des courriers, en raison de son indisponibilité liée à ses activités et à ses mandats électifs.


D'une part, les allégations de Mme B... concernant la majoration de l'indemnité d'administration et de technicité ne sont démenties par aucune pièce du dossier et notamment pas par l'attestation du 27 mai 2019 du président de la communauté de communes en exercice à l'époque des faits, qui ne conteste pas avoir signé les certificats administratifs datés des 17 février, 19 avril, 13 juillet, 19 septembre, 14 octobre et 23 novembre 2016. Dans ces conditions et alors qu'il est constant qu'un autre agent de la communauté de communes, devenue directrice générale des services en septembre 2017, a bénéficié de la même compensation financière, les griefs de manquement au devoir de probité et de détournement de fonds publics ne sont pas établis.


D'autre part, s'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline du 11 juillet 2019 que deux personnes, entendues en qualité de témoins, ont confirmé l'existence d'une "pratique" au sein de l'établissement public autorisant, en cas d'urgence, certains agents, dont Mme B..., à imiter la signature du président de l'époque sur certains documents, le fait pour un fonctionnaire de contrefaire la signature d'un élu, alors que, au demeurant, aucune situation d'urgence n'est invoquée par la défenderesse dans le cas d'espèce, est constitutive d'une faute.


Toutefois, eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles cette faute a été commise, au nombre limité de documents concernés, à l'absence d'intention frauduleuse de l'intéressée, à son ancienneté et à l'absence de critique sur sa manière de servir, et nonobstant la circonstance que, pour des faits postérieurs à ceux en litige, elle a fait l'objet d'un blâme le 1er août 2018 pour manquement à l'obligation d'obéissance hiérarchique et à l'obligation de servir, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la sanction de la révocation était disproportionnée et ont annulé pour erreur d'appréciation l'arrêté du 9 septembre 2019.


Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, ni les autres moyens de la requête, et alors que, par un arrêt du 9 décembre 2021, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Reims a relaxé Mme B... des fins de la poursuite au motif que, en l'absence d'intention frauduleuse, les infractions d'usage de faux en écriture et d'altération frauduleuse de la vérité dans un écrit n'étaient pas constituées, la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n° 1902637 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 octobre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au rejet de la demande présentée en première instance par Mme B... doivent également être rejetées.



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