Conseil d’Etat, 19 juillet 2023, M. A c/ Ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Req. n° 464504
Fonction publique | Autorisation | Changement substantiel d’activité | Cumul d’activités | Durée indéterminée | Fin dans l’intérêt du service | Nouvelle autorisation
Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., brigadier-chef de la police nationale, a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant de l'illégalité des décisions du ministre de l'intérieur, intervenues en 2013, 2014 et 2015, lui refusant l'autorisation de cumuler son activité principale avec des activités accessoires d'enseignement musical, annulées par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 12 juin 2017, devenu définitif. Par un jugement du 29 juin 2020, rectifié par une ordonnance du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser la somme de 21 263,84 €, augmentée des intérêts et de leur capitalisation. Par un arrêt du 29 mars 2022, rectifié par un arrêt du 14 février 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. A..., notamment porté la somme à laquelle l'Etat a été condamné par ce jugement à 24 763,84 € et rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. M. A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt ainsi rectifié, en tant qu'il a rejeté le surplus de ces conclusions.
En premier lieu, en jugeant que M. A... n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de retrouver des fonctions équivalentes à celles qu'il exerçait au sein du conservatoire de Nanterre, pour en déduire qu'il ne justifie pas de la réalité d'un préjudice lié à la perte de chance de retrouver une situation équivalente à celle qui était la sienne avant l'intervention des décisions de refus d'autorisations de cumul d'activités illégales, la cour administrative d'appel de Versailles, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments soulevés par M. A..., a suffisamment motivé son arrêt.
En second lieu, aux termes du I de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : "Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. / (...) / Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice".
Aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, alors en vigueur : "Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires". Aux termes de l'article 2 du même décret : "Les activités accessoires susceptibles d'être autorisées sont les suivantes : / I.- Dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret : / (...) 2° Enseignement et formation ; (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les activités exercées à titre accessoire peuvent être également : / (...) 2° Une mission d'intérêt public de coopération internationale ou auprès d'organismes d'intérêt général à caractère international ou d'un Etat étranger, pour une durée limitée". Aux termes du premier alinéa de son article 4 : "Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé". Aux termes de son article 5 : "Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : (...) / 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. (...)". Aux termes de son article 7 : "Tout changement substantiel intervenant dans les conditions d'exercice ou de rémunération de l'activité exercée à titre accessoire par un agent est assimilé à l'exercice d'une nouvelle activité. / L'intéressé doit adresser une nouvelle demande d'autorisation à l'autorité compétente dans les conditions prévues à l'article 5". Aux termes de son article 8 : "L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire".
Sous réserve du cas où elles prévoient expressément que les activités sont exercées à titre accessoire pour une durée limitée, les dispositions mentionnées aux deux points précédents ne font pas obstacle à ce qu'une demande d'autorisation de cumul d'activités soit formée sans en préciser le terme. Si l'autorité appelée à statuer sur une telle demande peut lui fixer un terme, elle n'y est toutefois pas tenue, sans préjudice de la possibilité qu'elle a de s'opposer à tout moment, dans l'intérêt du service, à la poursuite de l'activité dont l'exercice a été autorisé et de l'obligation faite à l'intéressé de solliciter une nouvelle autorisation pour tout changement substantiel intervenant dans les conditions d'exercice ou de rémunération de l'activité qu'il exerce à titre accessoire.
Par suite, en jugeant qu'une autorisation de cumul d'activités ne peut être demandée et délivrée que pour une durée limitée, pour en déduire que M. A... ne saurait valablement soutenir que sa demande d'indemnisation du préjudice financier résultant de l'illégalité de la décision de refus d'autorisation de cumul d'activités du 27 février 2014 pourrait se rapporter à une période postérieure à l'année scolaire 2014-2015, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit.
Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier qu'il estime avoir subi pour la période postérieure à l'année scolaire 2014-2015.
Sur le règlement de l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 CJA :
Il résulte de l'instruction qu'alors que la charge lui en incombe, M. A... n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité du préjudice financier qu'il invoque, tiré d'une perte de chance de percevoir une rémunération en qualité de professeur de musique non titulaire au sein du conservatoire de Nanterre, au-delà des années scolaires 2013-2014 et 2014-2015 au titre desquelles, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser la somme de 21 263,84 euros. Par suite, ses conclusions indemnitaires au titre des années postérieures à l'année scolaire 2014-2015 ne peuvent qu'être rejetées.
Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son jugement du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier qu'il estime avoir subi pour la période postérieure à l'année scolaire 2014-2015.
[Annulation de l’arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier pour la période postérieure à l'année scolaire 2014-2015, rejet du surplus des conclusions du pourvoi et de la requête d’appel].
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