Droit administratif | Autorisation municipale de déplacement | Captation de clientèle (Non) | Débit de tabac | Emplacement | Implantation | Réseau local existant de vente au détail des tabacs
Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 28 février 2023, Ministre chargé des Comptes Publics et Mme A. c/ Mme C. , Req. n° 21BX01233

Aux termes de l'article 70 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures : "Le déplacement, dans la même commune, d'un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac.". L'article 9 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés prévoit que : "L'implantation d'un débit de tabac ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs". Aux termes de l'article 13 de ce même décret : "Un débit de tabac ordinaire permanent peut être déplacé à l'intérieur d'une même commune dans les conditions prévues à l'article 70 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 susvisée. Les dispositions des articles 9 et 11 s'appliquent aux déplacements intracommunaux (...).
D'une part, les dispositions précitées n'ont pas pour objet d'éviter les risques de captation de clientèle entre les débits de tabac mais visent seulement à préserver l'équilibre du réseau local existant de vente au détail des tabacs.
D'autre part, le déplacement accordé par l'arrêté annulé du Maire de CHAUVIGNY (département de la VIENNE) du 4 juin 2019 a pour effet de rapprocher géographiquement le débit de tabac concerné des trois autres débits de tabac de la commune, déjà situés dans son centre-ville. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce déplacement concerne un axe de circulation distinct de l'axe principal, sur lequel sont implantés ces trois autres débits de tabac, et à sens unique. En outre, il ressort des données présentées par le Ministre en charge des Comptes Publics et issues de l'application "Gestion informatisée du monopole des tabacs" dont Mme C... ne conteste pas utilement l'exactitude, que ces débits de tabac ont connu une progression annuelle de leurs volumes de vente supérieure à 10% au titre des années antérieures à ce transfert et qu'ils ont encore connu une augmentation de ce volume de ventes entre 2019 et 2020. Par ailleurs, il n'est ni établi ni même soutenu que ces trois débits de tabac n'ont pas, au contraire, bénéficié d'un transfert de clientèle à la suite de la fermeture de l'ancien emplacement du débit de tabac déplacé alors qu'il ressort également des données issues de l'application "Gestion informatisée du monopole des tabacs" que ces débits de tabac ont à nouveau connu une augmentation de leur volume de ventes en 2020 et 2021 à l'exception de l'un d'entre eux qui a connu au titre de cette dernière période une diminution des ventes, en volume, de 2,87%, succédant à des hausses annuelles de 13,73% et de 12,45%, qui n'est pas susceptible de mettre en péril la pérennité de ce débit de tabac. Dans ces conditions, les appelants [en l’espèce, l’Etat représenté par le Ministre en charge des Comptes Publics et Mme A, Mme A..., en sa qualité de gérante du débit de tabac concerné par l’autorisation de transfert accordée] sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le déplacement autorisé par l'arrêté du 4 juin 2019 avait pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs, nonobstant l'avis réservé émis sur ce déplacement par la direction interrégionale des douanes le 24 mai 2019 et l'avis défavorable émis par la confédération des buralistes le 31 mai 2019.
Enfin, il ressort des pièces du dossier que la commune de CHAUVIGNY compte un nombre très important de débits de tabac (un débit de tabac pour 1704 habitants) par rapport à l'objectif fixé à l'article 10 du décret du 28 juin 2010 d'un débit de tabac par tranche de 3 500 habitants et que Mme C... n'établit pas que les habitants de la zone de chalandise correspondant à l'ancien emplacement du débit de tabac concerné seraient privés d'un accès raisonnablement proche à un débit de tabac ni, par voie de conséquence, que le transfert dont s'agit aurait déséquilibré, pour ce motif, le réseau local existant de vente au détail des tabacs.
[Annulation et règlement au fond, rejet de la requête de première instance]
Avocat Droit Administratif
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