top of page

Sur l’exécution d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une fonction publique…

Conseil d’Etat, 10 juillet 2023, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/ M. B., Req. n° 470058


Fonction publique | Administration pénitentiaire | Condamnation pénale | Exécution d’une décision de justice | Peine complémentaire d'interdiction d'exercer une fonction publique | Radiation | Référé-suspension


Lorsqu'un agent public a été condamné pénalement à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer, à titre définitif ou temporaire, les fonctions dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice desquelles l'infraction a été commise, il appartient à l'autorité administrative de tirer les conséquences nécessaires de cette condamnation. Cette autorité est tenue de prononcer sa radiation des cadres lorsque l'intéressé ne pourrait être affecté à un nouvel emploi correspondant à son grade, sans méconnaître l'étendue de l'interdiction d'exercice prononcée par le juge pénal.


Aux termes de l'article 3 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire : "Les membres du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire participent à l'exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. / Ils maintiennent l'ordre et la discipline, assurent la garde et la surveillance de la population pénale et participent aux modalités d'exécution de la peine et aux actions préparant la réinsertion des personnes placées sous main de justice. / (...) / Les membres du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance ont vocation à être affectés au sein des établissements pénitentiaires. Ils peuvent également être affectés dans tout autre service ou établissement public relevant de l'administration pénitentiaire et à l'administration centrale du ministère de la justice". Ces dispositions, qui prévoient que les missions des membres du corps d'application du personnel de surveillance pénitentiaire énumérées au premier alinéa peuvent être exercées non seulement dans les établissements pénitentiaires, mais également dans un autre service ou établissement de l'administration pénitentiaire ainsi qu'à l'administration centrale, définissent ainsi de manière exhaustive la fonction de surveillant pénitentiaire.


En l’espèce, il ressortait des pièces du dossier soumis au juge des référés dans le cadre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative que les faits de violence sur la personne d'un détenu, n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, à l'origine de la condamnation pénale assortie de la peine complémentaire, ont été commis par M. B. dans le cadre des fonctions de surveillant pénitentiaire qu'il exerçait, en qualité de surveillant et surveillant brigadier, qui est l'un des grades du corps des personnels d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, à la maison d'arrêt de SEQUEDIN (Nord). Pour ordonner la suspension de l'exécution de la mesure de radiation des cadres prononcée par l'arrêté du 14 septembre 2022 du garde des sceaux, ministre de la justice, le juge des référés du tribunal administratif de LILLE, après avoir regardé la condition d'urgence comme satisfaite, a retenu qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté le moyen tiré de ce que l'interdiction qui lui a été faite d'exercer la fonction de surveillant pénitentiaire pour une durée de deux ans, qui n'est pas une interdiction d'exercer tout emploi public, n'impliquait pas nécessairement sa radiation des cadres dès lors qu'en application des dispositions de l'article 3 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006, il aurait pu être affecté à l'administration centrale du ministère de la justice.


Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la peine complémentaire de deux ans d'interdiction d'exercer la fonction de surveillant pénitentiaire prononcée à l'encontre de M. B. et des missions qui peuvent être confiées aux membres du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, en vertu de l'article 3 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006, le garde des sceaux, ministre de la justice ne pouvait l'affecter dans aucun emploi correspondant à son grade et devait le radier des cadres.


Dès lors, en prononçant la suspension de la mesure de radiation pour le motif mentionné au point 5, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Il suit de là que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.


Sur le règlement de l'affaire au titre de la procédure de référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, conformément aux précédents développements, le moyen tiré de ce que, ayant été condamné à une interdiction d'exercer la fonction de surveillant pénitentiaire et non d'exercer tout emploi public, le requérant aurait pu ne pas être radié des cadres mais affecté à l'administration centrale du ministère de la justice n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'absence de base légale de cet arrêté ainsi que de la méconnaissance par l'administration de son obligation de reclassement ne sont pas non plus, en l'état de l'instruction et eu égard à l'office du juge des référés, de nature à créer un tel doute.

[Annulation de l’ordonnance de référé et rejet de la requête de première instance]



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit administratif

Comments


Commenting has been turned off.
bottom of page