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Sur les conséquences de la méconnaissance du droit à communication de documents administratifs…

Fonction publique | Changement d’affectation | Communication des pièces | Contentieux administratif | Décision prise en considération de la personne | Délai de recours | Enquête administrative | Forclusion (Non) | Mention des voies et délais | Recevabilité (Oui) | Tardiveté (Non) | Témoignages


Conseil d'Etat, 28 avril 2023, M. V. c/ Ministre de l’Education Nationale, Req. n° 443749


En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-8 du Code des relations entre le public et l'administration : "Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée". Aux termes de l'article R. 421-5 du Code de justice administrative : "Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision".


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du courriel de notification produit par l'administration et dont la réception n'est pas contestée par l'agent public requérant, que si l'arrêté du 16 mars 2020 a été notifié audit fonctionnaire le jour-même de son édiction, cette notification n'était pas assortie de la mention des voies et délais de recours. Par suite, les conclusions présentées par le fonctionnaire concerné ne sont pas tardives, la notification effectuée le 16 mars 2020 sur la boite professionnelle de l'agent public n'ayant pas fait courir le délai de recours, faute de contenir les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative. Le Ministre de l'Education Nationale et de la Jeunesse n'est donc pas fondé à soutenir qu'elles doivent être rejetées pour ce motif comme irrecevables.


En deuxième lieu, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier.


Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. Dans ce cas, l'administration doit informer l'agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu'il puisse se défendre utilement.


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le fonctionnaire concerné, qui appartient au corps des inspecteurs pédagogiques régionaux-inspecteurs d'académie, a été nommé par décret du Président de la République du 27 novembre 2015 dans l'emploi de directeur académique des services déconcentrés de l'éducation nationale du département des DEUX-SEVRES. Le Ministre de l'Education Nationale et de la Jeunesse, après un signalement de la Rectrice de l'Académie de POITIERS, a confié à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche une mission d'enquête administrative concernant de potentiels dysfonctionnements au sein la direction des services départementaux de l'éducation nationale des DEUX-SEVRES. A la suite de la remise du rapport de la mission d'inspection au mois de janvier 2020, il a été, par un décret du Président de la République du 12 mars 2020, mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions et au détachement dudit fonctionnaire dans cet emploi. Par un arrêté du 16 mars 2020 du Ministre de l'Education Nationale et de la Jeunesse, ledit fonctionnaire a été réintégré dans son corps d'origine à compter du 12 mars et affecté auprès du Recteur de l'Académie de NANTES. Ledit fonctionnaire demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 12 mars 2020 et de l'arrêté du 16 mars 2020.


Le fonctionnaire concerné a été effectivement destinataire, préalablement à la décision attaquée, qui constitue une mesure prise en considération de la personne, du rapport final de l'enquête administrative conduite par deux inspecteurs généraux de l'éducation, du sport et de la recherche au sein de la direction des services départementaux de l'éducation nationale des DEUX-SEVRES et portant notamment sur son comportement. Toutefois, ce rapport lui a été transmis dans une version dans laquelle, d'une part, plusieurs parties avaient été intégralement occultées, y compris s'agissant de leur intitulé, et remplacées par les mentions "partie non communicable (art[icle] L. 311-6 CRPA [Code des relations entre le public et l’Administration])", d'autre part, les parties non totalement occultées comportaient certaines mentions dissimulées selon le même procédé. En outre, il ressort des pièces du dossier que malgré une demande en ce sens, le fonctionnaire concerné n'a eu communication que de certains des quarante-quatre comptes rendus d'audition annexés au rapport. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas allégué que cette communication parcellaire avait pour objet de protéger les personnes qui avaient témoigné sur la situation en cause, ledit fonctionnaire est fondé à soutenir qu'il n'a pas reçu communication de l'ensemble des pièces qu'il était en droit d'obtenir en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, afin de préparer utilement sa défense, et que, par suite, la procédure préalable à l'édiction du décret attaqué a été entachée d'irrégularité.


Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que ledit fonctionnaire est fondé à demander l'annulation du décret du 12 mars 2020 ainsi que, par voie de conséquence, de l'arrêté du 16 mars 2020.



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

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