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Un comportement inapproprié dans les armées peut être lourd de conséquences...

Fonction publique | Audition de témoin | Communication du dossier | Comportement inapproprié | Dignité | Discipline | Droits de la défense | Erreur manifeste d’appréciation (Non) | Faute | Harcèlement moral et sexuel | Intégrité | Loyalisme | Militaire | Mutation dans l’intérêt du service | Neutralité | Non bis in idem | Proportionnalité de la sanction par rapport à la faute | Propos inconvenants et misogynes | Sanction | Sanction déguisée (Non)


Conseil d'Etat, 17 mars 2023, M. J. c/ Ministre des Armées, Req. n° 462995


En premier lieu, aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : "(...) Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense. (...)". Aux termes de l'article R. 4137-15 du même code : "(...) Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner".


Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer au militaire pour lequel une sanction disciplinaire est envisagée le droit d'obtenir de l'administration des pièces et documents autres que ceux sur lesquels l'autorité militaire entend se fonder pour prononcer sa sanction.


En l’espèce, un chef de bataillon exerçant les fonctions de responsable des ressources humaines au sein du 1er régiment de chasseurs parachutistes, a fait l'objet d'une enquête de commandement à la suite d'un signalement émanant de l'une de ses subordonnées, faisant état de la réception de messages contenant des propos à connotation sexuelle. Au vu des conclusions de cette enquête, le chef de corps de ce régiment a infligé audit chef de bataillon par une décision du 22 septembre 2021, une sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts pour avoir été l'auteur, à de multiples reprises, d'attitudes déplacées et avoir tenu de façon récurrente des propos inconvenants et misogynes à l'encontre de ses subordonnées. Ledit militaire concerné a formé un recours administratif contre cette sanction qui a été rejeté par une décision de non-agrément du chef d'état-major de l'armée de terre du 17 janvier 2022. Par la présente requête, il demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions.


Sur la régularité de la procédure disciplinaire, si ledit militaire soutient qu'il n'a eu connaissance que postérieurement au prononcé de la sanction d'une lettre du 8 juin 2021 adressée par le général commandant la 11ème brigade parachutiste au chef d'état-major de l'armée de terre, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce document constituait une simple information, par l'autorité investie du pouvoir de sanction, de son autorité supérieure sur la procédure engagée et la sanction susceptible d'être infligée à l'intéressé, compte tenu de la nature des faits et du comportement qui lui étaient reprochés. Ce courrier ne comportait, au demeurant, aucun élément qui n'aurait pas été porté à la connaissance du requérant ou dont les dispositions du code de la défense imposeraient la communication au militaire concerné par la sanction envisagée. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie au motif que cette pièce ne figurait pas au dossier communiqué au requérant ne peut qu'être écarté.


En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que des personnes dont le chef de bataillon sanctionné aurait estimé que l'audition présentait un caractère utile dans le cadre de l'enquête de commandement n'auraient pas été invitées à témoigner ou que des témoignages auraient été écartés dans le cadre de cette enquête. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense que des agissements qualifiés de harcèlement moral peuvent donner lieu à une sanction disciplinaire. Il ressort enfin des termes du mandat donné à l'officier enquêteur que celui-ci avait notamment pour mission d'estimer l'opportunité de la mise en œuvre des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale. Par suite, le moyen tiré de ce que l'enquête aurait été réalisée à charge ou aurait irrégulièrement dépassé le cadre d'une simple enquête administrative en faisant état d'une éventuelle qualification pénale des faits de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel ne peut qu'être écarté.


En troisième lieu, sur le bien-fondé et la proportionnalité de la sanction aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 4111-1 du code de la défense : "L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du même code :"Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité".


En l’espèce, pour prononcer la sanction litigieuse, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire s'est fondée sur ce que le chef de bataillon sanctionné avait été l'auteur à de multiples reprises d'attitudes déplacées et avait tenu de manière répétée des propos inconvenants, grossiers et misogynes, à l'encontre de ses subordonnés, notamment de certains personnels féminins. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que de telles constatations reposeraient sur des faits matériellement inexacts. En outre, eu égard aux responsabilités de ce militaire, officier supérieur en charge de la gestion des ressources humaines du régiment, et alors même que sa manière de servir donnerait satisfaction, l'autorité militaire de premier niveau n'a, compte tenu de la nature des faits qui lui ont été reprochés, pas inexactement qualifié ces derniers, qui présentaient le caractère d'une faute de nature à justifier une sanction, ni prononcé à son encontre une sanction disproportionnée, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, en lui infligeant une sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts.


En quatrième lieu, sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul ne peut être poursuivi plusieurs fois à raison des mêmes faits [non bis in idem] :


Si ledit militaire soutient que la mutation résultant de l'ordre de mutation individuel du 13 juillet 2021 doit être regardée comme une sanction déguisée prononcée pour les mêmes faits, il ressort des pièces du dossier que cette décision de mutation a été prise dans l'intérêt du service et était motivée par le souci de rétablir un fonctionnement serein de celui-ci et n'avait pas le caractère d'une sanction. Le militaire sanctionné ne peut donc utilement soutenir qu'en prononçant, postérieurement à cette décision de mutation, la sanction disciplinaire contestée dans le présent litige, l'autorité militaire aurait méconnu le principe selon lequel nul personne ne peut être sanctionnée deux fois à raison des mêmes faits.


[Rejet de la requête]



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

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