Fonction publique | Changement d'affectation | Contentieux administratif | Harcèlement moral | Décision faisant grief | Mesure d'ordre intérieur | Recevabilité
Conseil d'Etat, 8 mars 2023, Mme B. c/ Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer, Req. n° 451970
Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".
En l'espèce, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir souverainement relevé que le changement d'affectation litigieux n'avait entraîné aucune modification de la situation professionnelle de la requérante tant en ce qui concerne la nature de ses fonctions que ses conditions de travail, n'avait pas porté atteinte à sa situation personnelle et n'avait pas présenté, dans les conditions où il était intervenu, le caractère d'une mesure discriminatoire, a jugé que cette décision d'affectation constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir. Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une fonctionnaire titulaire du grade d'attaché principal d'administration de l'État faisait valoir que cette affectation d'office, alors qu'elle n'était pas candidate à ce poste, avait été retenue, parmi des agissements répétés et excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d'altérer sa santé, comme faisant partie des éléments caractérisant un harcèlement moral à son encontre par un jugement du tribunal administratif de Bastia devenu définitif du 25 juin 2020. En ne recherchant pas, au vu de cette argumentation, si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l'intéressée tenait de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.
[Annulation de l'arrêt et renvoi de l'affaire devant la cour]
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