Droit administratif | Actions internationales | Aide au développement | Association | Collectivités territoriales | Conflit ou un différend international de nature politique | Contrôle de légalité | Conventions | Non-interférence dans la conduite de la politique extérieure constitutionnellement réservée à l'Etat | Obligation de neutralité des collectivités | Politique étrangère de la FRANCE | Respect des engagements internationaux | Subventions
Cour administrative d’appel de PARIS, 3 mars 2023, M. B. / Ville de PARIS, Req. n° 22PA04811

Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : "Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l'Etat (...)".
Il résulte de ces dispositions qu'une collectivité territoriale peut légalement accorder une subvention à une association, même française, dès lors que cette subvention a pour objet de mettre en œuvre ou soutenir une action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, sans avoir à justifier que cette action répond à un intérêt public local. Une collectivité territoriale ne saurait toutefois méconnaître les engagements internationaux de la FRANCE ni, en attribuant une subvention, prendre parti dans un conflit ou un différend international de nature politique ou interférer dans la conduite de la politique extérieure de la FRANCE constitutionnellement réservée à l'Etat.
En l’espèce, par une délibération du 11 juillet 2019, le conseil de Paris a attribué, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, à l'association "SOS Méditerranée France", une subvention d'un montant de 100 000 euros pour un programme de sauvetage en mer et de soins aux migrants dans le cadre de l'aide d'urgence et a autorisé la maire à signer une convention avec cette association. Un justiciable interjette appel du jugement du 12 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de PARIS a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Cependant, l'objet statutaire de l'association "SOS Méditerranée France" est, notamment, "de sauver la vie des personnes en détresse en mer et d'assurer leur accompagnement et leur protection", "de témoigner de la réalité de ces sauvetages et de leur contexte" et"de promouvoir et de soutenir la création de structures similaires à SOS Méditerranée en Europe et ailleurs". Il ressort des pièces du dossier, en particulier des observations produites par cette association, que son activité s'inscrit dans un réseau international dénommé "SOS Méditerranée" initié au mois de mai 2015, et a consisté en particulier, après l'arrêt, en novembre 2014, de l'opération Mare Nostrum par les autorités italiennes, à affréter un navire, d'abord l'Aquarius jusqu'au mois de décembre 2018, puis, à partir de l'année 2019, l'Ocean Viking, afin de secourir en mer, principalement au large des côtes libyennes, des ressortissants de pays tiers, transitant par la LIBYE et souhaitant se rendre de manière irrégulière sur le territoire de l'Union européenne, en traversant la Méditerranée, le plus souvent sur des embarcations de fortune et par l'entremise de réseaux de passeurs. Son action a également consisté à acheminer ces personnes ainsi secourues à destination de l'un des ports d'un Etat membre de l'Union européenne, action qui a concerné, entre 2016 et 2018, près de 30 000 personnes. Si cette action revêt une dimension humanitaire, les responsables de l'association ont, aussi, publiquement critiqué, et déclaré vouloir contrecarrer par leur action, les politiques définies et mises en œuvre par l'Union européenne et les Etats membres en matière d'immigration et d'asile, de franchissement des frontières extérieures de l'Union et de maîtrise des flux migratoires, en particulier s'agissant des arrivées irrégulières le long de la route de la Méditerranée centrale, et d'accueil en Europe des ressortissants de pays tiers. Cette action a, en outre, eu pour effet d'engendrer de manière régulière des tensions et des différends diplomatiques entre Etats membres de l'Union, notamment entre la FRANCE et l'ITALIE. Enfin, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la transcription des débats qui ont précédé l'adoption de la délibération contestée, que le conseil de PARIS a entendu s'approprier les critiques de cette association à l'encontre de ces politiques migratoires. Dans ces conditions, en attribuant la subvention litigieuse par la délibération du 11 juillet 2019, alors même qu'elle est accordée au titre des aides d'urgence, le conseil de PARIS doit être regardé comme ayant entendu prendre parti et interférer dans des matières relevant de la politique étrangère de la FRANCE et de la compétence des institutions de l'Union européenne, ainsi que dans des différends, de nature politique, entre Etats membres. Dès lors, le justiciable à l’origine du contentieux est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cette délibération.
[Annulation du jugement et annulation de la délibération]
Commentaire : Il est difficile de comprendre pourquoi le Préfet n'a pas agi en déférant une telle délibération dans le cadre du contrôle de légalité. En effet, le recours a été engagé par un justiciable "lambda"...
Avocat Droit Administratif | Avocat Collectivités Territoriales
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