Fonction publique | Abandon de poste | Congé de maladie | Contentieux administratif | Délais de recours | Droit administratif | Forclusion | Irrecevabilité | Mise en demeure | Mention des voies et des délais de recours sur la décision attaquée | Radiation des cadres | Rupture du lien avec le service
Cour administrative d’appel de TOULOUSE, 21 février 2023, Mme V. c/ Rectrice de la Région Académique OCCITANIE, Req. n° 21TL00072

Une fonctionnaire, adjointe technique principale de recherche et de formation affectée dans un lycée a été placée en congé de maladie ordinaire du 3 octobre 2016 au 2 octobre 2017. Par décision du 3 novembre 2017 prise après avis du comité médical départemental et du comité médical supérieur, le recteur de l'académie a refusé de lui accorder un congé de longue maladie et a informé l'intéressée qu'elle devait reprendre ses fonctions et régulariser sa situation administrative, en formant une demande de disponibilité pour raisons de santé à compter du 3 octobre 2017 jusqu'à la reprise effective de ses fonctions. Après avoir mis en demeure ladite fonctionnaire de reprendre ses fonctions, la rectrice de la région académique a prononcé le 5 juin 2018 sa radiation des cadres pour abandon de poste. La fonctionnaire concernée a demandé au tribunal administratif d'annuler les décisions prises les 3 novembre 2017 et 5 juin 2018. Elle interjette appel du jugement du 10 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : "Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...)". L'article R. 421-5 du même code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision".
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision du 3 novembre 2017 a fait l'objet d'un recours gracieux le 22 décembre 2017. Par un courrier du 15 janvier 2018 qui a été notifié à ladite fonctionnaire le 18 janvier suivant, ainsi qu'il en est justifié par la production de l'accusé de réception postal, la rectrice de la région académique a rejeté le recours gracieux présenté par l'intéressée à l'encontre de la décision refusant de faire droit à sa demande de congé de longue maladie au regard des avis défavorables émis par le comité médical départemental du Gard et par le comité médical supérieur. Contrairement à ce que soutient ladite fonctionnaire, le courrier du 15 janvier 2018 comportait la mention des voies et délais de recours. Par suite, la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 3 novembre 2017, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2018, soit après l'expiration du délai de deux mois, était tardive et, par suite, irrecevable.
En deuxième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
En outre, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non-présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur l'état de santé de l'intéressé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.
En l’espèce, la fonctionnaire concernée a été placée en congé de maladie ordinaire du 3 octobre 2016 au 2 octobre 2017 et a sollicité, le 17 octobre 2016, le bénéfice d'un congé de longue maladie. Il ressort des pièces du dossier que tant le comité médical départemental que le comité médical supérieur ont estimé, respectivement le 28 novembre 2016 et le 18 octobre 2017, que ladite fonctionnaire ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier d'un congé de longue maladie et qu'elle était apte à la reprise de ses fonctions. Par lettre du 3 novembre 2017, le recteur d'académie l'a invitée à reprendre ses fonctions et à lui adresser une demande de disponibilité pour raisons de santé, puis l'a mise en demeure, les 18 décembre 2017 et 16 janvier 2018, de reprendre ses fonctions ou de solliciter une disponibilité pour convenances personnelles, cette mise en demeure étant encore renouvelée par courriers des 12 mars et 24 avril 2018. Il est constant que chacun de ces courriers, lesquels ont été établis alors qu'elle n'était plus en position de congé maladie, l'informait du risque qu'elle courait d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Les certificats médicaux transmis par l'intéressée après l'avis du comité médical supérieur, datés des 13 novembre 2017 et 23 novembre 2017, ne sauraient, en toute hypothèse, être regardés comme apportant des éléments nouveaux à la situation qui avait été soumise aux comités médicaux, et ne sauraient en conséquence justifier valablement son refus de reprendre son poste. La fonctionnaire concernée ne peut utilement se prévaloir de l'avis favorable rendu par le comité médical départemental le 14 février 2019 à sa mise en disponibilité d'office pour raisons de santé pour une durée de vingt-quatre mois à compter du 9 octobre 2017, lequel est postérieur à l'arrêté contesté, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait sollicité son placement en disponibilité d'office antérieurement. Par suite, l'administration, qui n'était pas tenue de la convoquer à une contre-visite médicale, a pu légalement procéder au licenciement de ladite fonctionnaire pour abandon de poste.
Commentaire : Dura lex sed lex ! (la loi est dure mais c’est la loi)
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