Fonction publique | Comportement frauduleux | Conditions de recevabilité d’un nouveau moyen en appel | Contentieux administratif | Discipline | Disproportion de la sanction par rapport à la gravité de la faute | Heures supplémentaires non réalisées | Juridiction territorialement incompétente | Manquement au devoir de probité | Révocation | Sanction | Usage frauduleux de la signature de l’autorité territoriale | Tardiveté d’enregistrement de la requête (Non)
Cour administrative d'appel de DOUAI, 5 janvier 2023, Mme B. c/ Commune de X [Anonymisation exigée par la collectivité territoriale], Req. n° 22DA00496
En premier lieu, en principe, le défendeur en première instance est recevable à invoquer en appel tous moyens, même pour la première fois. Cette faculté doit cependant se combiner avec l'obligation faite à l'appelant d'énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend fonder son pourvoi. Il suit de là que, postérieurement à l'expiration de ce délai et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'introduction de l'appel.
Contrairement à ce que soutient l’employeur de la fonctionnaire, cette dernière est recevable pour la première fois en appel à soulever les moyens d'ordre public tirés de la tardiveté de la demande présentée par la collectivité devant le tribunal administratif ainsi que du défaut de qualité pour agir du l’autorité territoriale.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l'avis du conseil de discipline de recours du 26 novembre 2019 a été adressé à la collectivité territoriale par une lettre recommandée datée du 23 décembre 2019. Par suite, et quelle qu'ait été la date de réception de cette lettre, la requête de la collectivité tendant à l'annulation de cet avis, introduite devant le tribunal administratif de LILLE le 4 février 2020 puis transmise au tribunal administratif d'AMIENS territorialement compétent, a été présentée dans le délai de recours contentieux de deux mois. Dans ces conditions, la fonctionnaire n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif d’AMIENS aurait dû soulever d'office la tardiveté de la requête de la collectivité territoriale.
En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.
En l’espèce, par son avis du 26 novembre 2019, le conseil de discipline de recours a écarté comme non établi le grief tiré de la soustraction d'espèces de la régie par la fonctionnaire et a estimé que la sanction devait être ramenée à une exclusion temporaire de quinze jours.
Or, il ressortait des pièces du dossier que la fonctionnaire sanctionnée avait établi des demandes de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires pour les mois de mars à septembre 2018 et décembre 2018 en y apposant, sans autorisation, la signature électronique de l’autorité territoriale et de son prédécesseur et qu’elle avait adressé ses relevés d'heures à la trésorerie. En revanche, il ne ressortait pas des pièces du dossier que ladite fonctionnaire ait effectivement travaillé pendant les heures supplémentaires déclarées au moyen des relevés litigieux, soit en moyenne plus d'une vingtaine d'heures.
Si ladite fonctionnaire faisait état de son faible niveau de qualification et d'un manque d'encadrement et de formation, il ressortait des pièces du dossier qu'elle avait été recrutée en tant qu'agent contractuel dès 2015 puis nommée deux ans plus tard en tant qu'adjointe territoriale stagiaire sachant, en toute hypothèse, qu’un éventuel manque de formation et d'encadrement ne la dispensait pas de l'obligation de probité qui s'impose à tout agent public.
Enfin, la circonstance invoquée, à la supposer même établie, que la pratique qui lui était reprochée était habituelle, voire encouragée et que la fonctionnaire sanctionnée n'aurait fait que poursuivre un "protocole mis en place par ses prédécesseurs" n'était pas de nature à lui retirer son caractère fautif.
Dans ces conditions, les faits, de surcroit établis, justifiaient une sanction sachant Ainsi, la fonctionnaire sanctionnée ne pouvait raisonnablement ignorer le caractère frauduleux de ses déclarations d'heures supplémentaires, sans l'accord exprès de l’autorité territoriale, qui était son supérieur hiérarchique direct et dont elle était la principale collaboratrice.
Par suite, la fonctionnaire en cause n'était pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'AMIENS avait annulé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions proposée par le conseil de discipline de recours comme n'étant pas proportionnée à la gravité de la faute commise.
Il résulte de tout ce qui précède que la fonctionnaire sanctionnée n'était pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'AMIENS avait annulé l'avis du 26 novembre 2019 par lequel le conseil de discipline de recours de la Région HAUTS-DE-FRANCE avait recommandé que la sanction de révocation infligée à ladite fonctionnaire soit ramenée à une exclusion temporaire de fonctions de quinze jours.
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