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La Vierge de la discorde... Oh Marie si tu savais, tout le mal que l'on te fait !

Droit administratif | Clôture d’instruction | Collectivités territoriales | Contentieux administratif | Cultes | Délibération municipale | Domaine public Laïcité | Monument | Neutralité | Note en délibéré | Procédure contradictoire | Religion | Séparation des Eglises et de l’Etat | Service public | Signe ou emblème religieux | Statue


Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 12 janvier 2023, Commune de LA FLOTTE c/ Fédération départementale de la libre pensée de CHARENTE-MARITIME, Req. n° 22BX01113



En premier lieu, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public [l’arrêt évoque par erreur le "commissaire du gouvernement", ancienne appellation du rapporteur public], d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.


En deuxième lieu, l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'État prévoit qu’il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.


Les dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui a pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes, s'opposent à l'installation par celles-ci, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse, sous réserve des exceptions qu'elles ménagent.


En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la statue dont il s'agit a été acquise en 1955 par la paroisse SAINTE-CATHERINE D'ALEXANDRIE à LA FLOTTE afin de réaliser un vœu exprimé pendant la Seconde guerre mondiale par les paroissiens pour l'édification d'une statue de la Vierge Marie. Cette statue, qui a été érigée sur un promontoire portant la mention "Vœux de Guerre", a d'abord été installée sur un terrain appartenant au diocèse au croisement entre les routes de Sainte-Marie et de la Noue, à la sortie de LA FLOTTE. A la suite de travaux de déviation de la route de la Noue, la Commune de LA FLOTTE a décidé, par une délibération du 19 novembre 1986, de la déplacer à son emplacement actuel. La statue ayant été endommagée à la suite d'un accident de la circulation intervenu le 17 mai 2020, la Commune de LA FLOTTE en a fait réaliser une copie qu'elle a réinstallée sur son promontoire le 22 décembre 2020.


Il est indéniable que la figure de la Vierge Marie est un personnage important de la religion chrétienne, en particulier catholique, et présente par elle-même un caractère religieux. Par ailleurs, la statue en cause présente des dimensions importantes, la rendant particulièrement visible, tandis que l'inscription "Vœux de guerre" sur son promontoire a un impact visuel beaucoup moins important. Ainsi, le monument, même pris dans son ensemble, présente un caractère religieux. A cet égard, l'historique particulier de l'édifice tel que décrit au point précédent n'est pas tel qu'il permettrait de considérer que ce monument présenterait un caractère uniquement patrimonial, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été acquis par la paroisse de La Flotte en 1955 afin de rendre grâce à la figure de la Vierge Marie et qu'il a été placé jusqu'en 2006 sur des terrains appartenant à des personnes privées. Par ailleurs, ce monument, qui n'est pas dédié à la commémoration des morts, ne peut être regardé comme un monument funéraire. Par suite, la réinstallation en décembre 2020 d'une copie de la statue de la Vierge Marie sur un emplacement devenu public depuis 2006, autre que ceux prévus par l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 précité, méconnaît les dispositions de cet article, alors même que la commune n'avait pas l'intention d'exprimer, par cette réinstallation, une préférence religieuse.


La commune de LA FLOTTE n'était pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite du Maire de LA FLOTTE et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de la statue de la Vierge Marie située avenue du 8 mai 1945 dans un délai de six mois.



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