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Les incidences du divorce sur la vie des fonctionnaires...

Fonction publique | Allocation aux parents d'enfant handicapé | Computation des délais | Contentieux administratif | Décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration | Délais de recours | Délai raisonnable de recours d’un an | Divorce | Recevabilité | Relations entre l’administration et ses agents | Supplément familial de traitement


Cour administrative d’appel de DOUAI, 16 février 2023, Mme B. c/ Direction Régionale des Finances Publiques de NORMANDIE et de SEINE-MARITIME, Req. n° 21DA02973



En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : "Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration : "Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents". Aux termes de l'article L. 112-3 de ce code : "Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...)". Aux termes de l'article L. 112-6 de ce même code : "Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...)". Aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : "Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents".


Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.


En l’espèce, pour rejeter la demande de Mme B... comme irrecevable, le président de la 1ère chambre a estimé que le délai de recours de deux mois avait couru à compter de la décision implicite de rejet du 15 juin 2021, née du silence gardé sur le recours gracieux de Mme B... contre la décision contenue dans le courriel du 12 mars 2021, au motif qu'il s'agissait d'un litige opposant l'administration à un de ses agents, non soumis à l'obligation d'un accusé de réception prévue à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration et que la requête introduite le 21 octobre 2021 devant le tribunal administratif était tardive.


Toutefois, le refus opposé à la demande de Mme B… tendant au versement du supplément familial de traitement ainsi que de l'allocation aux parents d'enfant handicapé, n'est pas un litige qui oppose un agent à son employeur, puisque si Mme B... est agent public, son propre employeur est une autre administration que celle de son époux et que la circonstance qu'elle réclame ces prestations du chef de son époux, ne saurait suffire à la faire regarder comme entrant dans le champ des articles L.112-2 et L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration.


Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, sa demande devait faire l'objet de l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration. Mme B... n'ayant pas été destinataire d'un tel accusé de réception, elle est fondée à soutenir que le délai de recours de deux mois ne lui est pas opposable.


En deuxième lieu, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance.


En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. Ces règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par l'article R. 112-11-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a formé, le 12 avril 2021, un recours gracieux contre la décision du 12 mars 2021 refusant de lui attribuer le supplément familial de traitement et l'allocation aux parents d'enfant handicapé. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur son recours au terme d'un délai de deux mois. Moins d'un an s'étant écoulé à la date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif soit le 21 octobre 2021, sa demande n'était pas tardive. Par suite, c'est à tort que le vice-président du tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevable la demande de Mme B... et l'ordonnance est irrégulière et doit être annulée.


8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.


En troisième lieu, concernant l’évocation de l’affaire au fond :


D’une part, en ce qui concerne le supplément familial de traitement :


Aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires susvisés : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement (...) S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / (...)". Aux termes de l'article 10 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : "Le droit au supplément familial de traitement, au titre des enfants dont ils assument la charge effective et permanente à raison d'un seul droit par enfant, est ouvert aux magistrats, aux fonctionnaires civils, aux militaires à solde mensuelle ainsi qu'aux agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dont la rémunération est fixée par référence aux traitements des fonctionnaires ou évolue en fonction des variations de ces traitements, à l'exclusion des agents rétribués sur un taux horaire ou à la vacation. La notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit est celle fixée par le titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale. (...)". Aux termes de l'article 11 du même décret : "En cas de divorce, de séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de vie commune des concubins, dont l'un au moins est fonctionnaire ou agent public tel que défini au premier alinéa de l'article 10, chaque bénéficiaire du supplément familial de traitement est en droit de demander que le supplément familial de traitement qui lui est dû soit calculé : - soit, s'il est fonctionnaire ou agent public, de son chef, au titre de l'ensemble des enfants dont il est le parent ou a la charge effective et permanente ; / - soit, si son ancien conjoint est fonctionnaire ou agent public, du chef de celui-ci au titre des enfants dont ce dernier est le parent ou a la charge effective et permanente. / Le supplément familial de traitement est alors calculé au prorata du nombre d'enfants à la charge de chaque bénéficiaire et sur la base de l'indice de traitement du fonctionnaire ou de l'agent public du chef duquel le droit est ouvert".


Aux termes de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale : "Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : "Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant. (...)". L'article R. 513-1 du même code dispose que : "La personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d'allocataire. Sous réserve des dispositions de l'article R. 521-2, ce droit n'est reconnu qu'à une personne au titre d'un même enfant. Lorsque les deux membres d'un couple assument à leur foyer la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui d'entre eux qu'ils désignent d'un commun accord. Ce droit d'option peut être exercé à tout moment. L'option ne peut être remise en cause qu'au bout d'un an, sauf changement de situation. Si ce droit d'option n'est pas exercé, l'allocataire est l'épouse ou la concubine. (...) En cas de divorce, de séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de la vie commune des concubins, et si l'un et l'autre ont la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui des membres du couple au foyer duquel vit l'enfant".


Il résulte des dispositions citées aux points précédents que le supplément familial de traitement étant destiné à l'entretien des enfants, ce complément de rémunération doit être versé à la personne qui assume leur charge effective et permanente, à la date à laquelle ce complément doit être payé. La notion de charge effective et permanente de l'enfant au sens des articles précités du code de la sécurité sociale et du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 s'entend de la direction tant matérielle que morale de l'enfant. Par ailleurs, les dispositions de l'article 11 de ce décret autorisent le conjoint à devenir, à raison des enfants dont il a la charge à la suite de son divorce, de sa séparation de droit ou de fait ou de sa cessation de vie commune avec son ancien conjoint qui bénéficie de la qualité d'agent public, l'attributaire du supplément familial de traitement. Toutefois, cette prestation lui est versée non de son propre chef, mais du chef de son ancien conjoint, agent public dont le supplément familial de traitement constitue un des éléments de la rémunération statutaire. Ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet, de modifier l'allocataire du supplément familial de traitement, qui demeure l'ancien conjoint bénéficiant de la qualité d'agent public.


Il ressort de l'ordonnance de non-conciliation du tribunal judiciaire du 11 décembre 2020, que, même si cette ordonnance n'avait qu'un caractère provisoire dans l'attente du jugement de divorce, c'est chez Mme B... qu'a été fixée la résidence des enfants et que celle-ci en supportait la charge effective. Les dispositions de l'article 11 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 autorisent le conjoint à devenir, à raison des enfants dont il a la charge à la suite de son divorce, de sa séparation de droit ou de fait ou de sa cessation de vie commune avec son ancien conjoint qui bénéficie de la qualité d'agent public, l'attributaire du supplément familial de traitement. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que la direction régionale des finances publiques de NORMANDIE et de SEINE-MARITIME, employeur de son époux, a rejeté sa demande au motif qu'elle n'établissait pas avoir la charge effective des enfants.


D’autre part, sur le versement de l'allocation due au titre d'un enfant handicapé :


Si Mme B... mentionne, dans sa requête devant la cour, un refus de versement de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, dont d'ailleurs le contentieux relève du seul juge judicaire, conformément à la teneur de sa demande adressée à l'employeur de son époux et à la réponse qu'elle a apportée à la mesure d'information faite par la cour, elle doit être regardée comme ayant saisi le tribunal administratif d'une contestation du refus de versement de l'allocation aux parents d'enfants handicapés, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux concernant ce refus. Toutefois, elle n'assortit pas sa demande des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Ses conclusions doivent par suite être rejetées.



Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

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