top of page

Rappel de l'obligation de respecter les droits de la défense dans le cadre du licenciement d'un agent contractuel en arrêt de maladie...

Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 16 janvier 2024, M. B. c/ Communauté d'agglomération du CENTRE LITTORAL, Req. n° 22BX01787

 

Fonction publique | Assistance d’un défenseur du choix de l’agent | Agent contractuel | Congé maladie | Délai de convocation | Droits de la défense | Entretien préalable | Licenciement | Préparation de la défense de l’agent



Considérant ce qui suit :

 

Par un contrat de travail conclu le 9 novembre 2020 et devant, aux termes de son article 1er, cesser " au plus tard en même temps que le mandat de l'autorité territoriale ", M. B... A... a été recruté pour exercer les fonctions de directeur de cabinet du président de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) de Guyane. Par une décision du 22 juillet 2021, le président de la CACL a licencié M. A..., pour perte de confiance, à compter du 31 août 2021. M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 22 juillet 2021 et d'enjoindre au président de la CACL de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière. Il relève appel du jugement rendu le 7 avril 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

 

Sur les conclusions à fin d'annulation :

 

Aux termes de l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. L'agent peut se faire accompagner par la personne de son choix. Au cours de l'entretien préalable, l'autorité territoriale indique à l'agent le ou les motifs du licenciement. (...) ". Ces dispositions sont applicables aux collaborateurs de cabinet recrutés en application de l'article 110 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.


En l’espèce, en application des dispositions précitées, le président de la CACL a convoqué M. A..., par une lettre du 1er juillet 2021 remise en main propre le 2 juillet suivant, à un entretien préalable prévu le 8 juillet à 9 h 00. M. A... soutient qu'il s'est rendu à ce rendez-vous, qui n'a pas eu lieu, selon lui, au motif que le président de la CACL avait un entretien avec le directeur général des services qui a duré plusieurs heures. La CACL affirme au contraire que le président était disponible à la date et à l'heure du rendez-vous, qui n'a pu être organisé en l'absence de M. A.... Au soutien de ses affirmations, la CACL produit une attestation de l'assistante de direction, attachée au cabinet du président, selon laquelle ce dernier était bien disponible le jour de l'entretien, tandis que M. A... ne se serait pas manifesté. Toutefois, cette attestation qui émane d'une personne placée sous l'autorité directe du président de la CACL n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, suffisamment probante. En revanche, M. Gaspard, conseiller municipal et communautaire, chargé d'assister M. A... pendant l'entretien, a attesté, le 29 juillet 2021, s'être rendu au siège de la CACL le 8 juillet 2021 pour participer à l'entretien, puis avoir quitté les lieux à 10h15 afin de remplir d'autres obligations après avoir constaté que le président de la CACL était toujours occupé dans son bureau par un autre rendez-vous. Quant à M. A..., il a, dès le 8 juillet 2021 à 11h41, adressé un courriel au président de la CACL lui rappelant qu'il avait patienté dans son bureau pendant plus de deux heures avant que celui-ci ne lui fasse savoir, à 11h05 par l'intermédiaire de son assistante, que l'entretien allait se tenir. M. A... a alors demandé un report de l'entretien afin de pouvoir être assisté d'un défenseur compte tenu du départ de M. Gaspard. Ainsi, l'entretien initialement prévu le 8 juillet 2021 n'a pas eu lieu.

 

Dans ces circonstances, il n'est pas établi que l'entretien initialement prévu le 8 juillet 2021 n'a pu avoir lieu du fait de M. A..., dont le défenseur a au contraire attesté que le président de la CACL n'avait pas respecté l'horaire fixé.

 

Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 12 juillet 2021, remis en main propre le 13 juillet suivant, le président de la CACL a convoqué M. A... à un nouvel entretien prévu le 16 juillet 2021 à 12h00. M. A..., placé en arrêt de travail du 8 juillet au 16 juillet 2021 inclus, avec autorisation de sortie de son domicile entre 11h00 et 14h00, a, par courrier du 15 juillet 2021, demandé le report de cet entretien au motif que la date prévue coïncidait avec sa période d'arrêt de travail. Il est constant que M. A..., qui n'a reçu aucune réponse à sa demande de report, ne s'est pas présenté à l'entretien du 16 juillet 2021.

 

Alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'autorité territoriale de convoquer à un entretien préalable un agent placé en congé de maladie, ce qui était le cas de M. A... entre le 8 juillet et le 16 juillet 2021, ce dernier a reçu la convocation le mardi 13 juillet seulement pour l'entretien prévu le vendredi 16 juillet. Pour apprécier le délai de cinq jours ouvrables prévu à l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, cité au point 2, il convient de ne pas tenir compte du jour de remise de la convocation ainsi que des jours non ouvrés compris dans les cinq jours suivants, soit, au cas d'espèce, le mercredi 14 juillet 2021. Il s'ensuit que M. A... a seulement bénéficié d'un jour ouvré pour se préparer à l'entretien au lieu des cinq jours prévus à l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 alors que le délai de cinq jours ouvrables a pour finalité de permettre à l'agent de préparer utilement sa défense devant l'autorité territoriale en disposant du temps nécessaire pour, notamment, rechercher un défenseur de son choix. Dans ces circonstances, M. A... a pu légitimement motiver sa demande de report du 15 juillet 2021 en faisant valoir que la remise tardive de la convocation pour l'entretien le vendredi 16 juillet ne lui permettait pas de se préparer à l'entretien. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a jugé que les dispositions de l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 n'avaient pas été méconnues.

 

Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

 

Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a bénéficié, du fait de la méconnaissance du délai de convocation à l'entretien, d'aucun entretien préalable à son licenciement, fondé sur la perte de confiance, et a ainsi été privé d'une garantie. Par suite, la décision 22 juillet 2021 est entachée d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de la décision du 22 juillet 2021 prononçant son licenciement.

 

[Annulation du jugement et de la décision attaquée et condamnation de la Collectivité au remboursement de la somme de 1500 € sur le fondement de l’article L. 761-1 CJA]

 

Avocat Fonction Publique | Avocat Droit Administratif

 


Comments


Commenting has been turned off.
bottom of page