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Sur le recours aux investigations menées par des enquêteurs privés en matière disciplinaire...

Fonction publique | Administration de la preuve | Discipline | Erreur manifeste d’appréciation (Non) | Disproportion de la sanction par rapport à la faute (Non) | Faits matériellement établis | Faute grave | Indépendance de la procédure administrative par rapport à la procédure pénale | Investigations menées par des enquêteurs privés | Manquement aux consignes de sécurité | Manquement au devoir d’obéissance hiérarchique | Manquement au devoir de loyauté | Manquement à la probité | Révocation | Sanction | Vidéosurveillance | Vol de matériels


Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 19 octobre 2023, Mme B. c/ SMICVAL, Req. n° 20BX00450


En premier lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.


En l’espèce, il ressortait des pièces du dossier que, eu égard aux actes de vandalismes constatés depuis plusieurs mois dans différentes déchetteries, le SMICVAL a décidé de mettre en place sur certains sites un système de vidéosurveillance. Néanmoins, pour les sites de déchetterie qui n'étaient pas dotés d'un tel système, le SMICVAL a mandaté une agence de recherches privées afin de réaliser une enquête sur les éventuelles infractions commises dans la déchetterie. Ce recours à des investigations menées par des enquêteurs privés était justifié en l'espèce dès lors qu'il existait des soupçons portant sur la participation de certains agents à un trafic de métaux, d'appareils électroménagers et de batteries, que l'enquête de la gendarmerie n'avait pu mettre à jour. En outre, ces investigations ont été menées uniquement sur place dans des lieux accessibles au public, pendant une période limitée de six jours et durant les heures de service des agents, et n'ont ainsi pas porté atteinte au droit au respect de la vie privée de la fonctionnaire sanctionnée. Il ne ressortait en particulier pas des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'enquêteur privé, que le SMICVAL aurait cherché, via la présence d'un enquêteur sur place, à mettre à l'épreuve la probité de l'intéressée ni organisé un mode de surveillance intrusif de celle-ci en la faisant suivre à l'extérieur de la déchetterie, ni qu'il aurait écouté sciemment ses conversations téléphoniques privées, ni qu'il aurait pris des photos de l'intéressée en dehors du service. Il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier que les faits qui étaient reprochés à la fonctionnaire sanctionnée reposeraient sur des images de vidéosurveillance non communiquées. Ainsi, les informations contenues dans le rapport disciplinaire doivent être regardées comme ayant été recueillies selon des modalités ne traduisant pas un manquement du SMICVAL à son obligation de loyauté vis-à-vis de ladite fonctionnaire. Le juge d’appel a considéré que le mode de preuve utilisé par son employeur n’est pas déloyal.


De plus, il ressortait du rapport de l'enquêteur privé que les 13, 14 et 22 juin 2017, la fonctionnaire sanctionnée a récupéré des objets auprès d'usagers (rocking chair, lambris en PVC) ainsi que des déchets enfouis (blocs de papier, gobelets en plastique), que les 7 et 14 juin elle a laissé un usager faire de la récupération d'objets, que le 7 juin 2017 elle n'a pas systématiquement vérifié les véhicules des usagers, laissant ainsi un risque de faire entrer des déchets non acceptés, et que, le même jour, elle a procédé à l'enfouissement de déchets contenant de l'amiante. Aux termes du rapport, il apparaissait également que ladite fonctionnaire savait que la récupération d'objets et l'enfouissement de déchets non autorisés étaient interdits par le SMICVAL.


Il ressortait des pièces du dossier que le rapport d'enquête privé établi par un enquêteur professionnel autorisé fait état de manière précise des éléments circonstanciés et concordants constatés au cours de six jours seulement de surveillance. La seule dénégation par l'intéressée de certains faits et les justifications tirées de ce qu'elle n'avait pas été informée de certaines consignes de sécurité, que les objets récupérés étaient de toute façon destinés à être détruits, qu'elle aurait voulu rendre des services à certains usagers ou qu'elle craignait les représailles de certaines personnes en cas de refus de sa part de les laisser procéder à des récupérations d'objets, ne permettaient pas de remettre en cause l'exactitude des faits qui lui sont reprochés et qui résultent du rapport d'enquête susmentionné. Dans ces conditions, la matérialité de ces faits commis par ladite fonctionnaire à l'occasion de l'exercice de ses fonctions a été regardée comme établie.


En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.


En l’espèce, il ressortait des pièces du dossier que la fonctionnaire sanctionnée n'a pas respecté les prescriptions du règlement intérieur et a, malgré le rappel de ces interdictions par la note de service du 15 avril 2016 signée par l'intéressée et les nombreuses formations auxquelles elle a participé, poursuivi les agissements susmentionnés. Indépendamment de la qualification pénale qu'ils étaient susceptibles de recevoir, de leur retentissement sur l'image de la collectivité publique employeur ou du préjudice financier qu'ils ont éventuellement pu causer à cette dernière, de tels agissements constituaient des manquements à ses obligations professionnelles de probité et d'obéissance, de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire. Compte tenu du caractère grave et répété des manquements rappelés ci-dessus et en dépit de l'ancienneté importante de ladite fonctionnaire, de son absence d'antécédents disciplinaires et de ses bonnes évaluations, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le président du SMICVAL a pu infliger à la requérante la sanction de la révocation. La circonstance que ladite fonctionnaire n'a pas fait l'objet de poursuites pénales est sans influence sur la légalité de la décision attaquée.




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