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Quand la faute personnelle de l’agent (manquement à la probité) est de nature à détacher la survenance de la maladie du service …

Dernière mise à jour : 15 avr.

Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 27 février 2024, M. B. c/ Conseil départemental de LA VIENNE, Req. n° 22BX00188

 

Fonction publique | Contentieux administratif | Accident ou maladie survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions (Non) | Comportement de l'agent | Faute personnelle de l’agent | Imputabilité (Non) | Lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail | Manquement à la probité | Note en délibéré | Office du juge | Pouvoir inquisitorial du juge | Principe du contradictoire | Procédure disciplinaire

 


En premier lieu, lorsque, postérieurement à la tenue d'une audience, le juge est saisi d'une note en délibéré émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette note en délibéré avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte après l'avoir visée et, cette fois, analysée, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

 

En deuxième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B… a convenu avec l'entreprise Abaux, chargée par le département de la Vienne de l'installation et du démontage d'un préau provisoire dans le cadre de travaux menés au collège Saint-Exupéry de Jaunay-Marigny, que celui-ci serait réinstallé sur un terrain appartenant à M. B… et exploité par son fils, agriculteur. Cette prestation a eu lieu à titre gratuit. Le préau avait été commandé par le département de la Gironde à la société Algeco, à laquelle il appartenait. Considérant que ces faits, qui le mettait en position d'être redevable envers deux sociétés ayant des relations contractuelles avec le département, constituait notamment un grave manquement à son devoir de probité, et compte tenu des responsabilités de M. B…, le président du conseil départemental de la Vienne, suivant ainsi l'avis du conseil de discipline, lui a infligé la sanction de mise à la retraite d'office au 1er septembre 2019, par un arrêté du 22 juillet 2019. Cette sanction n'a pas été contestée par l'intéressé et est devenue définitive, et les faits ne sont pas davantage réfutés par l'appelant dans le cadre de la présente procédure.


M. B… soutient néanmoins que cette faute disciplinaire ne peut pas être regardée comme détachant la survenance de son syndrome dépressif du service, au motif qu'il a été victime de " maltraitance psychologique " de la part de son employeur par l'organisation d'une enquête administrative menée exclusivement à charge, par une fausse accusation de détournement de fonds publics, par une suspension de fonctions, par un changement d'affectation vexatoire. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le département de la Vienne aurait fait un usage anormal de son pouvoir disciplinaire. Ainsi, à la suite du rapport établi le 23 octobre 2018 par son supérieur hiérarchique, le directeur de l'éducation et des bâtiments, signalant les faits, M. B…, accompagné d'un représentant du personnel, a été reçu par le directeur général des services en entretien le 6 novembre 2018 puis le 16 janvier 2019 et a pu faire valoir ses observations. M. B… a également présenté des observations écrites par courrier électronique du 7 novembre 2018. Par ailleurs, son employeur a procédé à l'audition des représentants des entreprises Abaux et Algeco. En outre, compte tenu de la gravité de la faute reprochée à M. B…, qui a accepté un avantage injustifié de la part d'un cocontractant de son administration, et de ses responsabilités dans les procédures de marchés publics du département de la Vienne, le président du conseil départemental a pu légalement décider de le suspendre de ses fonctions sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, puis de le muter dans l'intérêt du service à la direction de l'agriculture, de l'eau et de l'environnement. D'autre part, si c'est à tort que le département de la Vienne a signalé au procureur de la République, par courrier du 26 octobre 2018, un détournement de fonds publics, il ressort des écritures mêmes de M. B… que son employeur a convenu de son erreur lors de l'entretien du 16 janvier 2019, et en a informé le Procureur le 2 avril 2019. En outre, le rapport du médecin de prévention et le rapport d'expertise qui reconnaissent un lien entre le syndrome anxio-dépressif et le conflit professionnel opposant M. B… à son employeur ne permettent pas d'identifier de lien avec l'erreur commise par le département. Au contraire, la faute personnelle de M. B… a été la cause déterminante de ce conflit et, partant, de sa pathologie psychiatrique diagnostiquée le 5 mars 2019, au moment de la réintégration de l'agent à l'issue de sa suspension. Il s'ensuit que le département de la Vienne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que le comportement de l'intéressé était de nature à détacher la survenance de la maladie du service.


[Rejet]


(Cf. également : Conseil d'Etat, 22 octobre 2021, Syndicat Mixte XXX [Anonymisation] c/ M. C., Req. n° 437254)


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