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Sur l'impossibilité de communiquer à un tiers la demande de protection fonctionnelle d'un agent...

Dernière mise à jour : 16 avr.

Conseil d'Etat, 11 mars 2024, M. B. c/ Etablissement national des invalides de la Marine (ENIM), Req. n° 454305

 

Fonction publique | Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) | Communication | Demande de protection fonctionnelle | Demande d’un tiers | Protection du contenu de la demande

 


Considérant ce qui suit :

 

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé à la directrice de l'Etablissement national des invalides de la Marine (ENIM), le 27 mai 2019, de lui communiquer, d'une part, les demandes de protection fonctionnelle adressées au directeur et au directeur-adjoint de l'ENIM les 11 octobre et 28 novembre 2018 par Mmes C... et D... et, d'autre part, la plainte pénale déposée par Mme C... ainsi que tous documents en possession de l'ENIM relatifs à cette plainte. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la directrice de l'ENIM.

 

Aux termes de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ". L'article L. 311-1 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 311-3 du même code : " Sous réserve des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, concernant les données à caractère personnel figurant dans des fichiers, toute personne a le droit connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées. " Aux termes de l'article L311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : (...) / 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ".

 

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il statue sur le refus de communiquer les demandes de protection fonctionnelle de Mmes C... et D... :

 

En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... n'a pas soutenu, devant le tribunal administratif, que les demandes de protection fonctionnelle en cause devraient être regardées comme des documents dont les conclusions lui ont été opposées. Le moyen tiré de ce que la décision de refus de communication attaquée méconnaîtrait des dispositions de l'article L. 311-3 du code des relations entre le public et l'administration est ainsi nouveau en cassation et, par suite, inopérant.

 

En second lieu, il résulte de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable en l'espèce, que lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet.

 

La demande adressée par un agent public à l'administration dont il dépend en vue d'obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle fait apparaître son comportement au sens et pour l'application des dispositions du 3° de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La divulgation à un tiers d'une telle demande doit être regardée comme étant, par elle-même et quel que soit son contenu, susceptible de porter préjudice à son auteur, qui a seul qualité de personne intéressée au sens des mêmes dispositions. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Poitiers n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation, d'erreur de droit ou de dénaturation des pièces du dossier en rejetant pour ce motif les conclusions de la demande de M. B..., sans examiner le contenu des demandes de protection fonctionnelle en cause.

 

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il statue sur le refus de communiquer la plainte pénale déposée par Mme C... et les documents s'y rapportant :

 

Il résulte des dispositions combinées des articles 15-3, 40 et 40-1 du code de procédure pénale que les plaintes déposées par les victimes d'infraction à la loi pénale sont transmises au procureur de la République, qui décide notamment sur la base des éléments qu'elles contiennent de la suite à leur donner. Ainsi, les plaintes constituent la première étape de la procédure pénale et se rattachent, dès lors, à la fonction juridictionnelle. En jugeant que la plainte pénale transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance de La Rochelle par l'avocat de Mme C... le 11 octobre 2018 et les documents qui y étaient joints n'entraient pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l'administration et n'étaient pas des documents administratifs au sens de l'article L. 300-2 de ce code, le tribunal administratif n'a ni commis d'erreur de droit, ni insuffisamment motivé sa décision.

 

Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

 

[Rejet et condamnation de M. B. à verser la somme de 3000 € à l’ENIM sur le fondement de l’article L. 761-1 du CJA]

 

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